Les mesures prises dans le cadre du PLF 2025 augmentent la pression fiscale sur les ménages et les entreprises, sans contreparties suffisantes pour encourager la croissance, estime l’économiste-économètre et ancien enseignant-chercheur à l’ISG-Tunis, Tahar El Almi, dans une déclaration à l’agence TAP.

“Bien que nécessaires pour combler le déficit budgétaire, sur le plan comptable à court terme, ces mesures aggraveraient les inégalités et risquent de freiner l’innovation, d’où l’importance de coupler ces mesures à des changements structurels pour garantir une relance économique durable ” a-t-il ajouté.

Et d’expliquer ” le PLF 2025 introduit des réformes fiscales majeures, dans un contexte de pression budgétaire croissante. Le gouvernement vise à augmenter les recettes fiscales tout en renforçant la discipline budgétaire et en luttant contre l’évasion fiscale. Cependant, ces mesures, notamment celles qui relèvent de la politique fiscale restrictive, soulèvent des questions quant à leurs impacts sur les ménages et les entreprises dans une économie encore fragile “.

“bn Khaldoun affirmait déjà que des impôts excessifs découragent les individus et les entreprises de produire et d’investir. En effet, lorsque la fiscalité devient trop lourde sur les revenus ou les profits, les acteurs économiques tendent à limiter leur activité, car le rendement de leurs efforts perd en attractivité. Cela entraîne une baisse de la production, affaiblissant l’économie à long terme et réduisant les recettes fiscales de l’État. Sa célèbre maxime, “trop d’impôts tue l’impôt,” anticipe le concept moderne de la courbe de l’économiste américain Laffer, qui démontre qu’au-delà d’un certain niveau, des taux d’imposition trop élevés finissent par freiner la production et l’investissement, réduisant ainsi la base imposable et, par conséquent, les recettes fiscales totales”

En ce qui concerne, le PLF 2025 en discussion, El Almi pense que l’augmentation des impôts directs constitue une mesure phare. Pour les ménages, la hausse de l’impôt sur le revenu frappe particulièrement les classes moyennes, déjà affectées par l’inflation, ce qui risque d’éroder davantage leur pouvoir d’achat. Pour les entreprises, la hausse de l’impôt sur les sociétés pourrait décourager l’investissement, notamment pour les PME, essentielles à l’économie nationale, menaçant ainsi la création d’emplois.

Par ailleurs, “l’accroissement des taxes indirectes, telles que la TVA et les droits d’accises, accentue le caractère inflationniste de la politique fiscale. Ces taxes pénalisent les ménages modestes et alimentent l’inflation, exacerbant les inégalités sociales. Les taxes sur les produits courants, comme le carburant, augmentent également les coûts de production et de transport, impactant l’ensemble de l’économie”

El Almi souligne aussi que ” les mesures prises pour combattre l’évasion fiscale sont ambitieuses mais présentent des défis. Un contrôle fiscal renforcé risque d’alourdir les charges administratives des entreprises et de freiner les investissements. Par ailleurs, l’intégration de l’économie informelle nécessite des incitations claires, faute de quoi cette démarche pourrait échouer ”

Sur un autre plan, ” la réduction des incitations fiscales, visant à rationaliser les dépenses de l’État, pourrait freiner des secteurs innovants, essentiels à la diversification économique de la Tunisie. Cela pose un risque pour le développement de nouvelles technologies et l’amélioration de la compétitivité internationale “a-t-il encore affirmé à l’Agence TAP.

“Fondamentalement, la référence à la maxime de Ibn Khaldoun et à la courbe de Laffer rappelle qu’une surcharge fiscale peut à terme réduire le potentiel de relance économique et les recettes fiscales, soulignant l’importance d’un équilibre délicat entre taux d’imposition et croissance économique ” a-t-il conclu.