Pour une fois, les critiques acerbes de l’économiste Hechmi Alaya quant aux politiques et choix économiques adoptées par l’État ne ciblent pas seulement les décideurs publics mais s’étendent aux acteurs du secteur privé. Ainsi, déplorant le recul de la Tunisie dans l’indice mondial de l’innovation, M. Alaya pointe du doigt le secteur privé traitant, dans le numéro d’Ecoweek, les opérateurs économiques privés de “Cancres de l’innovation”.
L’économiste a cité le classement de l’Indice mondial de l’innovation mis en place par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’Institut européen d’administration des affaires (Insead) et l’université américaine de Cornell.
La Tunisie qui était 59ème sur 141 pays en 2012, y occupe le 81ème rang cette année : “Son plus mauvais score depuis que l’OMPI a inauguré la publication des résultats de ses recherches”.
Il a reproché au secteur privé de ne pas investir assez dans l’innovation. Pour Hechmi Alaya, le niveau de sophistication des entreprises tunisiennes est insuffisant, ce qui est illustré par la notation du pays dans le pilier 4* où il est question de l’engagement des pouvoirs publics, des entreprises, des communautés et des particuliers à utiliser la propriété intellectuelle au service de la croissance et du développement durable.
C’est du reste, dans ce dernier pilier, nous informe Hechmi Alaya, que la Tunisie obtient son plus mauvais score (16,8 sur 100 points) et son pire classement : 119ème sur 133 pays.
“Une performance révélatrice de la faible propension des entreprises tunisiennes à l’innovation, à l’absence de véritables partenariats avec les universités et les centres de recherche.
Un facteur amplifié par l’insuffisante sophistication des marchés illustrée par l’indisponibilité du crédit et l’absence de concurrence maintes fois signalée dans ces colonnes…Dans ce domaine, la Tunisie est gratifiée d’un score largement inférieur à la moyenne des cinq dernières années”.
“La Tunisie qui était 59ème sur 141 pays en 2012, y occupe le 81ème rang cette année : “Son plus mauvais score depuis que l’OMPI a inauguré la publication des résultats de ses recherches”.”
Pour rappel, les résultats d’une étude baptisée “Investissement dans l’économie de la connaissance, innovation et productivité” réalisée par l’ITCEQ en 2021, qui concerne le secteur manufacturier, précise que 39% des entreprises interrogées ont des activités de RD (Recherche et développement) mais que 50% parmi elles y sont engagées occasionnellement et non en permanence. 58% des entreprises ayant introduit des innovations, qu’elles soient en produit ou en procédé, ont investi dans des activités de RD.
Seulement 11% des entreprises engagées dans des activités de RD déclarent avoir bénéficié des incitations financières, principalement les PIRD (Prime d’Investissement dans des Activités de RD) et l’ITCEQ de s’interroger sur l’utilité des différentes mesures d’incitations et les raisons qui empêchent les entreprises innovantes d’y avoir recours pour développer leurs capacités innovatrices.
Reste que les défaillances qu’il s’agisse de l’écosystème, du climat des affaires ou de la réticence des entreprises à investir dans l’innovation privent la Tunisie d’importants atouts compétitifs.
La qualité des institutions et un environnement d’affaires sophistiqué étant importants pour l’attractivité du site. Aucun pays au monde ne peut aujourd’hui prétendre avancer ou croitre sans développer les technologies de l’information et de la communication et sans innover et c’est dans ces secteurs que la Tunisie perd de plus en plus du terrain.
“Une performance révélatrice de la faible propension des entreprises tunisiennes à l’innovation, à l’absence de véritables partenariats avec les universités et les centres de recherche.”
Fort heureusement nous rassure M. Alaya, la qualité́ du capital humain et de l’activité́ de recherche, rangent la Tunisie dans une position fort honorable parmi les nations, même si le départ des compétences par milliers l’a fait reculer de 32ème mondial il y a cinq ans avec un score de 44,4 à 49ème sur 133 pays avec un score de 36,8 cette année.
“La Tunisie reste bien positionnée en matière de « production de connaissances » (54ème mondial avec un score de 23,2) et qu’elle parvienne à maintenir son rang mondial en matière d’outputs créatifs : 73ème alors qu’elle était à la 75ème place en 2019”.
Des notes d’espoir pour une Tunisie qui plie mais ne rompt pas.
Vivement le réveil !
Amel Belhadj Ali
* Pilier stratégique n° 4 Aider les pouvoirs publics, les entreprises, les communautés et les particuliers à utiliser la propriété intellectuelle au service de la croissance et du développement durable. 4 4.1 Utilisation plus efficace de la propriété intellectuelle au service de la croissance et du développement de l’ensemble des États membres et de leurs régions et sous-régions respectives, notamment grâce à l’intégration des recommandations du Plan d’action pour le développement 4.2 Mise en place d’écosystèmes équilibrés et efficaces en matière de propriété intellectuelle, d’innovation et de création dans les États membres 4.3 Mise en valeur des connaissances et des compétences en matière de propriété intellectuelle dans tous les États membres 4.4 Davantage d’innovateurs, de créateurs, de PME, d’universités, d’instituts de recherche et de communautés tirent profit de la propriété intellectuelle 4.5 Amélioration de l’infrastructure des offices de propriété intellectuelle. Lien