« Star-Returning », la dernière création du metteur en scène et chorégraphe samoan, Lemi Ponifasio, inaugurera, le 23 novembre, au Théâtre de l’Opéra, à la Cité de la culture Chedly Klibi, les Journées théâtrales de Carthage, en première mondiale.

Célèbre pour ses productions avant-gardistes et ses profondes méditations sur l’humanité, la culture et l’environnement, le metteur en scène et chorégraphe samoan, Lemi Ponifasio, présentera son œuvre inédite lors de la cérémonie d’ouverture de la 25e édition des Journées Théâtrales de Carthage (JTC). L’avant-première a eu lieu le 8 novembre en Chine.

« Star-Returning » est une œuvre artistique qui promet de captiver et d’inciter le spectateur à l’introspection et à la réflexion sur l’identité, la communauté et l’essence de l’existence.

Dans une interview exclusive accordée à l’Agence TAP, Lemi Ponifasio s’est confié sur son parcours artistique et la philosophie qui façonne son œuvre.

L’art comme un voyage de connexion

Chaque tentative de création scénique repose sur une idée centrale, a expliqué l’artiste. « C’est celle de rechercher les liens qui unissent toutes les dimensions de la vie : Homme à Homme, Homme à la nature, Homme au cosmos. »

De l’œuvre « Birds with Skymirrors », une exploration poignante du changement climatique, à « The Crimson House », une critique troublante du pouvoir, le répertoire de Lemi Ponifasio tisse des thèmes récurrents d’interconnexion.

« Dans toutes ces œuvres, je ressens une continuité, un même élan : cela constitue le travail de toute une vie. »

Un retour aux sources avec « Star-Returning »

Interrogé sur la continuité de ces thèmes dans « Star-Returning », Lemi Ponifasio décrit la pièce comme une invitation à revisiter les valeurs fondamentales qui nous ancrent. « C’est un appel à un retour aux sources », précise-t-il. « Le rôle de l’artiste est de ramener les gens à leur maison intérieure, là où ils se ressourcent, là où ils retrouvent leur place dans le monde.»

La pièce mêle mémoire, identité et tradition, tout en examinant leur résonance dans la modernité. « Revenir en arrière ne signifie pas retourner à d’anciennes habitudes », explique-t-il. « C’est marcher sur une route en constante évolution. J’espère que nous pourrons voir cette route telle qu’elle est : à la fois un témoignage de notre passé et une promesse de notre avenir. »

L’essence de « Star-Returning » se révèle à travers les voix et les chants d’artistes chinois, une démarche qui reflète l’engagement de Lemi Ponifasio à bâtir des ponts entre les cultures. « Votre corps est un vaisseau vivant qui porte le monde de vos ancêtres. Chaque pensée, chaque action s’inscrit dans une continuité – ils sont là, vous guidant, vous encourageant et vous critiquant. »

Pourquoi la Tunisie ?

Pour l’artiste, la Tunisie constitue un point de départ symbolique pour Star-Returning. « Pour moi, c’est une continuité : rencontrer les peuples du monde, combler les différences, échanger des idées ».

Mon art, dit-il, vise à inciter les spectateurs à voir le monde à travers leur propre prisme, libéré des influences extérieures. « Une grande partie de nos cultures a été détournée par la colonisation, l’éducation, la religion. La question centrale dans mon travail reste : qu’est-ce que cela signifie d’exister ? »

Pour lui, cette démarche s’accorde parfaitement avec la riche histoire culturelle de la Tunisie, carrefour de tradition et de modernité, offrant ainsi une scène idéale pour explorer les thèmes de l’identité et de l’appartenance.

Adapter pour des publics divers

Après l’avant-première de « Star-Returning » en Chine, Ponifasio déclare résister à la tentation d’adapter son travail à des publics spécifiques. « Chaque public apporte sa propre cosmovision », estime-t-il. Pour le public tunisien, il mise sur les thèmes universels de la famille, de la communauté et de la quête de sens pour garantir une résonance profonde.

Une offrande universelle

Ponifasio considère que l’adaptation de ses œuvres aux cultures de chaque public n’est pas une bonne idée. « Je ne connais ni la culture de la Tunisie ni celle de la Chine », souligne-t-il. « Mon rôle, c’est de rechercher les choses les plus belles et de les offrir au public, sans compromis. »

Cette philosophie reflète sa conviction en l’universalité de l’expérience humaine. Interrogé sur les parallèles entre le festival des Torches des Yi en Chine et les célébrations tunisiennes pendant le mois de Ramadan ou les mariages traditionnels, il affirme : « La culture est une chose complexe. Ce que les gens partagent dans leur existence est plus important que leurs différences culturelles. »

Une invitation poétique

En préparant « Star-Returning » pour la scène, Ponifasio insiste : « Je ne suis pas un conteur d’histoires. Mon travail vise à créer un moment de poésie, un moment d’éternité. »

Cette approche illustre sa volonté de défier la domination des récits eurocentriques dans l’art. Il critique notamment les interprétations réductrices des pratiques indigènes par des termes occidentaux, comme « danse ». « Dans ma culture, il n’y a pas de mot pour ‘danse’. Remplacer notre culture par ce mot, c’est détruire sa valeur, son sens et sa raison d’être. »

En quête d’avenir

Pour Ponifasio, Star-Returning en Tunisie est bien plus qu’une performance : c’est un geste de connexion. « Être ici, découvrir la culture, rencontrer les gens – c’est ma manière de les saluer. »

Alors que les Journées théâtrales de Carthage approchent, Ponifasio nous rappelle avec force : l’art n’est pas un outil pour imposer, mais un pont pour relier. Pas une histoire à dicter, mais un espace pour réfléchir.