Crabone
Environnement

Quelques lignes qui disent tout à propos du rapport établi par la Banque mondiale sur le système fiscal tunisien publié récemment. Hechmi Alaya commente : « Sur les neuf points abordé par la BM, la fiscalité́ n’est qu’un point parmi d’autres qui est abordé en dernier, pour justifier la seule mesure prête à l’emploi qu’il comporte : introduire un nouvel impôt qui serait supporté par les entreprises (une taxe carbone) pour financer une économie qui serait à la fois, plus juste et plus résiliente au climat ; une économie à même de produire plus tout en préservant les ressources en eau (économie verte) et capable de vaincre la pauvreté”.

Ceci alors que la Tunisie, rappelle l’auteur des lignes a réussi à collecter un niveau relativement élevé de recettes fiscales. Pareils “propositions” encouragent le pays à continuer sur une politique qui ne se soucie guère de l’avenir (investissement) mais pénalise la croissance et les plus modestes en aggravant leur appauvrissement.  

Ainsi, les plus grands désastres climatiques sont causés par les pays industrialisés et les pays les plus démunis doivent en payer le prix. L’histoire est un éternel recommencement. A chaque fois que les puissants du monde déclenchent des catastrophes, ceux qui paient sont les petits. Le réchauffement climatique en est une et est à l’origine d’épisodes d’extrême chaleur ou de phénomènes météorologiques extrêmes en Afrique.

Selon l’OMM, “ces 60 dernières années, l’Afrique s’est réchauffée plus rapidement que le reste du monde. En 2023, le continent a enduré des vagues de chaleur mortelles, de fortes pluies, des inondations, des cyclones tropicaux et des sécheresses prolongées”.

Pourquoi ce réchauffement climatique ? Parce que le monde industrialisé a usé plus qu’il n’en faut des combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz, grands contributeurs au changement climatique mondial et responsables de plus de 75% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de près de 90% de toutes les émissions de dioxyde de carbone fréquents qui les accompagnent sans oublier la déforestation entrainant la perte de l’immense capacité de stockage du carbone des forets et libérant le dioxyde de carbone aggravant l’effet de serre.

“La Banque mondiale semble ignorer les véritables responsables du réchauffement climatique et impose aux pays en développement des solutions inadaptées.”

Pour rappel, les pays les plus peuplés et industrialisés apparaissent en haut du classement des pays les plus pollueurs au monde. Les trois pays les plus gros émetteurs de CO2 sont la Chine responsable à hauteur de 32,9% des émissions de CO2, en grande partie dues à l’exportation de biens de consommation et à sa forte dépendance au charbon, les États-Unis responsables à hauteur de 12,6% et l’Inde responsable à hauteur de 7,0%.

Donc les responsables des pandémies et des fléaux naturels sont les pays développés, “civilisés” riches et ceux qui doivent payer la facture des fléaux en question, sont les pays démunis et pauvres parce que la nature ne les a pas bien nantis ou parce que les grands du monde ont décidé que les maintenir dans un état continuel de dépendance leur permettra de préserver leurs intérêts géoéconomiques et leurs positionnements stratégiques.

Ce sont les néocolonialistes du 21ème siècle qui préfèrent expliquer le sous développement des pays africains par la corruption ou le déficit démocratique, ceci lorsque les dictateurs qu’ils ont poussé au pouvoir ne servent pas leurs intérêts !

Il est quand même bizarre que la banque mondiale change de posture suivant le changement des régimes politiques dans un pays comme la Tunisie surfant sur la vague du moment. Ainsi, elle décrivait la Tunisie, avant la chute provoquée du régime Ben Ali, comme étant le bon élève de l’Afrique, a subitement réalisé en 2014, dans sa publication “La révolution inachevée” que l’État tunisien, du temps du président déchu, était au service des proches et de la corruption.

“La Tunisie, victime du changement climatique, est également victime des politiques économiques imposées par les institutions internationales.”

La Banque mondiale prétendument plus humaine que le Fonds monétaire international (sic) propose cette année à un pays très imaginatif en matière d’impôts et de taxes une nouvelle taxe : la taxe carbone ! Pour info, les émissions de CO2 en 2022 étaient de 35,915 mégatonnes, faisant de la Tunisie le 115e pays dans le classement des pays par émissions de CO2, composé de 184 pays, dans lequel les pays sont classés du moins au plus polluant.

Greenpeace a, selon un article de notre confrère Mohsen Tiss publié sur l’économiste maghrébin en 2019, se basant sur des données recueillies par les satellites de la NASA, montré que 6 pays de la région MENA figurent parmi les 25 pays les plus pollueurs du monde. La Tunisie n’y figure pas.

Dans ce classement, l’Arabie saoudite est classée au premier rang dans le monde arabe en termes d’émissions de dioxyde de soufre et au sixième rang mondial, suivie des Émirats Arabes Unis (14e).

Taxer plus systématiquement les émissions de carbone de la production augmenterait il le taux de croissance

La Tunisie n’est pas le pire pollueur de la région ou du monde d’autant plus que depuis 2011, nous assistons à une désindustrialisation inquiétante dans un pays où les principaux polluants sont le dioxyde d’azote provenant du trafic routier ou des fourneaux à gaz.

Donc si taxe, il y a, elle devrait viser aussi bien les industriels que les conducteurs automobiles d’ores et déjà surtaxés, tout le secteur du transport public devrait lui aussi s’acquitter des nouvelles taxes.

“Il est urgent de revoir les modèles de développement économique pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique.”

Mais de nouvelles taxes, quelle que soient leurs appellations pourraient elles remettre sur pied budget et économie du pays ? “Taxer plus systématiquement les émissions de carbone de la production” augmenterait il le taux de croissance du pays qui augmenterait les ressources de l’État ?  “Permettrait-il à la Tunisie d’éviter de perdre des recettes fiscales et d’internaliser les externalités environnementales négatives de la production de manière efficace” ? S’attaquer de nouveau, dans ses rapports, à ceux qui détiennent le capital résoudra-t-il le problème de la récession économique du pays ?

Rien de moins sûr, tout dans un pays qui est déjà sur pied de guerre dans les politiques de lutte contre le réchauffement climatique avec une réelle prise de conscience dans certains pans du secteur privé.

C’est peut-être la raison pour laquelle Hechmi Alaya a commenté “ironiquement” la nouvelle “directive” de la banque mondiale : “Le rapport sur l’équité et l’efficacité du système fiscal tunisien, ne comporte aucune analyse sur la situation économique du pays que les lecteurs d’Ecoweek ne sachent déjà. En revanche, il s’agit d’un rapport qui s’inscrit dans la nouvelle doxa de la Banque : le réchauffement climatique et la pauvreté sont désormais les défis majeurs qui s’ajoutent à ceux dont souffre notre pays.

L’effort à fournir consiste à agir (investir) pour réduire la pauvreté tout en relevant les défis du climat. Pour la Banque, la solution de ces problèmes réside dans l’introduction d’un impôt nouveau. Une taxe carbone qui frapperait les revenus des individus les plus riches ; ceux qui détiennent le capital.

Une préconisation qu’elle justifie par le fait que le taux effectif d’imposition du travail est en Tunisie, plus élevé par rapport au capital. Une mesure aussi ragoûtante que tentante pour un État en quête désespérée de recettes, pour financer une politique redistributive qui est en train de pénaliser la croissance et d’appauvrir les plus démunis”.

Nous l’avons mentionné au début de l’article, M. Alaya a tout analysé, a tout résumé. Il revient maintenant à la B.M d’écouter d’autres voix que celles qu’elle considère comme plus valables ou plus “raisonnables”.

Amel Belhadj Ali