Au croisement de l’histoire, de la mémoire et de l’imaginaire, “L’envol créatif entre tradition et modernité”, exposition de la plasticienne Imen Aloulou Masmoudi déploie un univers fascinant, où chaque œuvre, toile et sculpture, semble vibrer au rythme des traditions millénaires amazighes.

Installée dans l’écrin unique de la galerie d’art Saladin à Sidi Bou Said, l’exposition invite à franchir une porte invisible vers un monde à la fois si proche et lointain. Dès les premiers pas dans ce lieu atypique, on est transporté dans un voyage sensoriel où l’âme berbère se révèle dans toute la splendeur des signes et des symboles.

Sur les cimaises habillées de toiles qui résonnent comme des échos d’un héritage ancestral, les motifs berbères, omniprésents dans chaque œuvre, vont bien au-delà de simples décorations ; ils deviennent un langage mystique, chargé de sens, avec leurs sujets de fertilité, de protection et de communion avec les cycles naturels. Autant de symboles qui semblent nous murmurer des secrets du passé, dans leur écrin contemporain.

Avocate de profession, Imen Aloulou Masmoudi est bercée dans l’univers artistique dès son enfance. Fille d’une enseignante d’arts plastiques et nièce du non moins célèbre peintre Khalil Aloulou, elle a commencé à se frayer un chemin depuis quelques années à travers diverses participations à des événements d’art et des expositions collectives où elle a côtoyé d’éminents artistes avant de réaliser sa toute première exposition qui se poursuit jusqu’au 22 décembre 2024.

“L’envol créatif entre tradition et modernité” résume sa passion, ses débuts et son évolution : du pinceau dans l’univers de l’acrylique et de l’huile, des formes, des couleurs, jusqu’au façonnage du bois d’olivier additionné au fer pour faire naitre des œuvres où l’identité ancestrale demeure son sujet de prédilection.

Entre fragments berbères qui convergent, le Tanit résonne et les troglodytes se réveillent autour de l’azur de Sidi Bou Said

Dans ce voyage visuel assez particulier, le Tifinagh, l’écriture originelle amazighe, occupe une place centrale. Chaque trace de cette langue ancienne, réintégrée dans des créations contemporaines, apparaît comme un hommage vibrant à une culture qui, malgré les aléas du temps, a su préserver son essence. Les lignes et les symboles du Tifinagh, en fusion sur les toiles, viennent nourrir cette exploration de l’identité berbère et de sa résistance à l’oubli voire à l’effacement. A chaque regard, l’artiste nous plonge à travers ses œuvres dans les tréfonds secrets d’une mémoire soigneusement entretenue.

Au-delà de l’aspect esthétique, l’exposition invite à une véritable réflexion sur les traces d’une riche histoire, qui, en traversant les toiles et sculptures, prend de l’éclat à travers son art créatif. En maniant différentes techniques comme la peinture en relief et les formes géométriques, l’artiste essaie, explique-elle, de créer des œuvres qui capturent notre héritage culturel.

Dans cette première exposition personnelle, fruit de nombreuses recherches et de multiples inspirations, elle a voulu que chaque œuvre soit un récit auréolé de symboles éthnoberbères, et où le jeu de signes révèle une réinterprétation de la beauté et de la simplicité des formes, pour une authentique ré-appropriation du monde originel… un monde qui somme toute, est loin d’être perdu. Et à travers des références transcendantes, comme “Croix Touareg”, “Salamandre”, “L’arbre de vie”, “Soleil”… le visiteur se trouve transporté dans une atmosphère mystique où chaque oeuvre semble se réinventer à chaque détour.

Symboles de robustesse et d’authenticité, les matières brutes, bois d’olivier et fer, servent comme supports pour ses sculptures Yaz (l’homme libre), ou Hanneton, qui incarnent l’esprit d’endurance et de résilience. En choisissant ces matériaux, l’artiste se déploie pour mettre en avant à la fois la puissance de la nature et la beauté intemporelle d’un héritage immatériel et matériel qui résiste au fil des siècles aux “sphères de l’oubli”. Et entre signes, lignes et fragments berbères qui convergent, le Tanit résonne et les troglodytes se réveillent autour de l’azur éclatant de Sidi Bou Said.