2025Lundi 9 décembre, le rideau est tombé sur une des lois de Finances les plus controversées de cette décennie. Une loi qui a fait l’objet de beaucoup d’aller-retour entre les députés et le ministère des Finances. Députés qui ont critiqué nombre de mesures et en ont proposé d’autres.

Pertinentes ? Non appropriées ? Nous le saurons, en 2025 qui frappe déjà à nos portes, dès l’entrées en vigueur de cette loi, laquelle sera soumise à l’approbation et éventuellement à l’arbitrage du Président de la République après la fin des travaux de la commission paritaire aujourd’hui mardi 10 décembre.

L’une des mesures qui a suscité le plus de remous sur la place publique est celle de l’augmentation de la TVA de 13 à 19% sur les logements directement acquis auprès des promoteurs immobiliers. Une mesure contestée en 2021 et maintenue à 13% sur les années 2022/2023,2024 remise à l’ordre du jour pour l’année 2025.

Pourquoi contestée ? Parce qu’il était inadmissible qu’un père de famille qui achète un toit pour sa famille supporte presque le 1/5ème du prix du bien en TVA !

La taxe des 19% reportée depuis 4 ans a fait l’objet d’un grand débat au parlement pour in fine parvenir à un consensus qui consiste à appliquer le taux de 7 % pour le bien qui ne dépasse pas les 400 000 dinars et 19% pour celui à partir de 400 000 dinars ! Ce qui, selon certains experts, n’a aucun sens !

La TVA, nous le savons tous est un impôt particulièrement rentable qui représente une source importante de revenus pour l’État puisqu’elle couvre une grande majorité des biens et services mais est-ce à dire que nous devions violer le principe sacrosaint qui consiste à dire que le taux de la TVA ne doit pas dépendre du prix mais de la nature du bien ou du service ?

Lorsqu’on achète un costume ou une robe, on ne nous dit pas si vous faites taille 40, on vous applique un taux “t” mais si vous faites du 48, (donc plus cher) on vous applique un autre taux plus élevé !!!

 

“La TVA, nous le savons tous est un impôt particulièrement rentable qui représente une source importante de revenus pour l’État mais est-ce à dire que nous devions violer le principe sacrosaint qui consiste à dire que le taux de la TVA ne doit pas dépendre du prix mais de la nature du bien ou du service ?”

Le prix du bien ne doit pas conditionner le taux de la TVA destiné à lui être appliqué. En fait, la règle est que l’on décide si un bien est assujetti à la TVA ou ne l’est pas. Le pain, à titre d’exemple ne l’est pas.

Aujourd’hui, pouvons-nous considérer que 400.000 dinars représentent un montant suffisamment important permettant l’acquisition d’un logement bien situé pour les classes moyennes ? Tout dépend.

Mieux encore, passer d’une TVA de 7% pour les logements de 400.000 dinars et moins à 19% dès qu’on franchit la barre des 400.000 même de 5.000 dinars est réellement pénalisant.

Donc, quelqu’un qui achète un bien de 405.000 dinars va payer le montant de 48.000 dinars en plus soit les 12% de différence entre les 7 et 19% de TVA. Ce qui est à craindre dans ce genre de cas est que l’on sous-value le bien à la vente prenant ainsi le risque d’une fraude fiscale.

Les acquéreurs peuvent aussi, au lieu d’acheter un S+4 à 700.000 dinars, acheter deux S+1 à 350.000 dinars chacun et les ouvrir l’un sur l’autre ! C’est dire que lorsque les mesures deviennent difficilement supportables, on trouve les moyens de les contourner ce que personne ne souhaite dans notre pays.

Comment contrôler toutes les opérations de ventes et d’achats des biens immobiliers ? En possédons-nous les moyens ? C’est une grande question à laquelle doivent répondre les législateurs et les services de contrôle des impôts. Il aurait été pourtant beaucoup plus simple de garder une TVA de 13% pour toute acquisition de logement.

Les sociétés d’installation du photovoltaïque pénalisées, la transition énergétique menacée !

Autre mesure incompréhensible adoptée dans le cadre de la loi des Finances 2025, celle relative à la taxation des panneaux photovoltaïques à l’importation sous prétexte qu’il y a un fabricant de ce produit en Tunisie et ce malgré les contestations des opérateurs du secteur devant le parlement.

“L’UTICA, nous a lâchés. Le patronat était censé défendre les intérêts du secteur, il n’en a rien été et nous avons bien peur de voir tous les efforts de développement de l’usage des énergies renouvelables à large échelle dans notre pays voués à l’échec” déplore Ali Kanzari, président de la Chambre syndicale nationale de l’assemblage et de la maintenance des équipements photovoltaïques.

Bizarre pour un État qui lutte contre le monopole et la rente et qui veut encourager la transition énergétique. Donc nous voulons des produits compétitifs mais nous offrons le marché à un seul ou au plus deux opérateurs parce que semble-t-il, ils font du tunisien à 100% alors que ce n’est pas le cas.

“Bizarre pour un État qui lutte contre le monopole et la rente et qui veut encourager la transition énergétique.”

Certains opérateurs font douter même du prétendu taux d’intégration de 30% dans l’usine du rare et privilégié fabricant de panneaux solaires en Tunisie : “De quel taux d’intégration parle-t-on lorsque presque tous les intrants sont importés dont le verre plat, la cellule photovoltaïque, l’aluminium d’encadrement, ou encore le Tedlar. Je peux vous assurer que le taux d’intégration ne dépasse pas les 8 ou au plus les 10% !!!”.

Lorsqu’on prend une mesure hautement protectionniste, on ne défend pas les intérêts d’un ou deux fabricants, on pèse le pour et le contre pour défendre tout un secteur et ce qui a eu lieu dans la chambre de députés est qu’on a protégé un fabricant et sacrifié une activité!

Maintenant les installateurs vont devoir faire face à beaucoup moins de choix pour beaucoup plus cher. Alors que partout dans le monde on détaxe l’importation des panneaux pour encourager la transition énergétique, en Tunisie, c’est le contraire qu’on fait ignorant qu’en la matière aucun pays ne peut concurrencer la Chine.

“Non mais pourquoi le destin de la Tunisie est à ce point pavé d’occasions perdues ?”

Nos députés qui se sont découverts des fibres protectionnistes devraient savoir que les géants chinois principaux acteurs mondiaux du photovoltaïque, totalisent à eux seuls 80 % de la production globale de panneaux solaires et ont fait plier l’Europe dont la part de marché a reculé de 28 à 3%.

Pour info les taxes sur les panneaux solaires importés sont de 6% en Egypte, de 5% en Algérie, pays riche en énergies fossiles, de 2,5 % au Maroc et de 0% en Allemagne, en Belgique, en France, en Espagne, au Kenya et au Sénégal.

Maintenant puisqu’ils ont décidé d’encourager le “géant tunisien”, ils devraient assumer la responsabilité de la démocratisation de l’énergie solaire dans notre pays et plus que tout, garantir aux industriels et aux familles tunisiennes, un rapport qualité/prix acceptable et non des prix imposés par l’industriel seul avantagé, alors qu’une grande partie des entreprises opérant dans le photovoltaïque se sentent eux menacés !

La Tunisie est devenue malheureusement depuis 2011 la championne des opportunités manquées ! Nous avons été les précurseurs dans nombre de domaines et en prime dans tout ce qui se rapporte aux énergies renouvelables et là nous trainons des pieds !

Non mais pourquoi le destin de la Tunisie est à ce point pavé d’occasions perdues ?

Amel Belhadj Ali