Dans son premier long métrage de fiction « To a land unknown » (Vers un pays inconnu), le réalisateur palestino-danois Mahdi Fleifel suit le destin incroyable d’un duo de réfugiés palestiniens, Chatila et son cousin Reda, bloqués à Athènes, en Grèce, pays de transit pour les réfugiés qui désirent se rendre dans les grandes Capitales européennes.

Sélectionné en compétition officielle des longs métrages de fiction aux 35èmes Journées cinématographiques de Carthage, “To a land unknown » (1h45) a fait son avant-première tunisienne, mardi soir, au Théâtre de l’Opéra de Tunis en présence des deux acteurs principaux. Une deuxième projection a eu lieu, mercredi après-midi, au cinéma l’ABC à Tunis.

Chatila (Mahmoud Bekri) et Reda (Aram Sabbagh) ont parfaitement incarnés leurs rôles de réfugiés. Dans ce film écrit et réalisé par Mehdi Fleifel, il est difficile de ne pas les croire, comme s’ils étaient de vrais réfugiés. Une aisance qui cache bien la douleur habitant chaque palestinien ce qui a aidé les acteurs à entrer plus facilement dans leurs rôles.

Mahmoud Bekri est un acteur palestinien issu d’une famille d’acteurs qui a joué dans des films comme « The Teacher » (2023) de Farah Nabulsi, « Alam » (2022) de Firas Khoury et « UpShot » un court métrage de Maha Haj, projeté à l’ouverture des JCC 2024. Cette aisance à incarner le personnage du réfugié réside aussi dans le choix du réalisateur, diplômé de la prestigieuse école de cinéma britannique située près de Londres, la « National film and Television School » (NFTS). Mehdi Fleifel, 44 ans, qui a lui-même était dans un camp de réfugiés explore le sujet des réfugiés dans une fiction inspirées de l’expérience de son entourage mais qui est aussi dans la continuité de son documentaire multiplrimé « A world not ours » (2012), sur la vie dans le camp des réfugiés « Ain al Helweh » au Liban où il a vécu avant de s’installer au Danemark.

Le film s’ouvre par une scène dans un jardin public à Athènes où les deux cousins déambulent et passent leurs journées à la recherche d’un moyen de survie. Ils n’hésitent pas à voler pour subvenir à leurs besoins quotidiens en nourriture dans une maison délabrée qu’ils partagent avec d’autres réfugiés arabes de différentes nationalités.

Dans ce quotidien sans lendemain, ils font la rencontre de Malik, un petit garçon, seul sans famille, parti de Gaza pour rejoindre sa tante en Italie. Après l’avoir logé et protégé, Chatila décide de l’aider à partir, avec une jeune femme grecque, comme étant sa mère, en contrepartie d’une somme d’argent qui lui sera transférée par la tante de Malik.

Décidés à aller en Allemagne où ils rêvent d’ouvrir un café, les deux cousins optent pour un plan incroyable pour gagner de l’argent en exploitant d’autres réfugiés. Leur objectif est d’avoir de faux passeports et pouvoir quitter Athènes où la vie devient de plus en plus insupportable, notamment pour Reda, un personnage assez fragile accro à la drogue prêt à tout pour avoir de l’argent. Sans la présence de Chatila il n’aurait peut-être pas résisté aussi longtemps.

Le personnage de Chatila que Mahmoud Bakri incarne rappelle le nom du camp des réfugiés palestiniens Chatila au Liban qui était le théâtre d’un massacre, en septembre 1982, connu sous le nom du massacre de Sabra et Chatila. « Chatila » incarne aussi la poésie de Mahmoud Darwich, la voix de la résistance et de l’exil. Il récite un extrait du célèbre poème à la mémoire de Sabra et Chatila ‘Le masque est tombé’: « Tu n‘as pas de frères, mon frère … Pas d’amis, mon ami … Pas de citadelles … Pas d’eau, pas de médicaments … Pas de sel, pas de sang, pas des voiles … Pas de front, pas d’arrière … Assièges ton assiégeant ! … Nulle autre issue … Le masque est tombé du masque… ».

Le récit de Feifel montre la vie fastidieuse des réfugiés dans palestiniens et arabes dans une cité fade peu attirante pour qu’ils songent s’y installer. Athènes, lieu du tournage du film, n’était presque belle que pendant une nuit de pleine lune enveloppant la ville qu’ils s’apprêtent à quitter. Dans ce cadre de vie d’exil et de futur incertain, l’Acropole, le Parthénon, l’Agora, le théâtre de Dionysos ou le Philopappos d’Athènes, n’ont certes plus d’importance.

« To a land Unknown » est un message poignant sur la cruauté d’une époque marquée par les guerres et les vagues migratoires. Aujourd’hui, ce récit dramatique des Palestiniens est aussi devenu celui d’autres réfugiés arabes qui peuplent les camps installés dans les pays de transit vers les grandes capitales européennes.