Conseiller en programmation pour divers festivals de cinéma, le zimbabwéen Keith Shiri installé depuis de longues années à Londres, s’est imposé comme un acteur majeur du cinéma africain. Son expertise, forgée par des collaborations avec des festivals prestigieux tels que la Berlinale (Allemagne), la Mostra de Venise (Italie), le London Film Festival (Royaume-Uni), ainsi que dans des pays arabes comme les Emirats arabes unis et l’Arabie Saoudite, trouve aujourd’hui son expression dans “Film Africa”, le plus grand festival dédié au cinéma africain au Royaume-Uni, dont il est le directeur artistique.

Lors d’un entretien accordé à l’agence TAP pendant sa participation à la 35ème édition des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC, 14-21 décembre 2024), il a partagé sa vision du cinéma panafricain, évoqué son expérience et proposé des idées pour renforcer l’approche des festivals consacrés au cinéma africain, en mettant en avant le rôle majeur des JCC.

Participant régulièrement aux JCC depuis sa première visite en 1994, à l’invitation du regretté producteur Ahmed Bahaeddine Attia, Keith Shiri nourrit une affection particulière pour ce festival. Il y a découvert des œuvres marquantes du cinéma tunisien, telles que “L’Homme de cendres”, “Bezness” et “Poupées d’argile” de Nouri Bouzid, ou encore “Halfaouine, l’enfant des terrasses “de Férid Boughedir.

Keith Shiri déplore cependant l’absence, lors de l’édition 2024, de cinématographies représentant à titre d’exemple le Mozambique, le Burkina Faso ou l’Afrique du Sud. Il estime que les JCC gagneraient à adopter une approche plus inclusive, similaire à celle de “Film Africa”, en mettant en lumière les récits issus de toutes les régions du continent, du Nord au Sud, pour toucher à la fois le public africain et les cinéphiles internationaux.

Malgré les défis liés aux contraintes financières et logistiques, il insiste sur la nécessité pour les festivals, notamment les JCC, de préserver leur équilibre entre la célébration des œuvres contemporaines et le devoir de mémoire envers les pionniers du cinéma africain. Dans ce cadre, il souligne l’importance de rendre hommage aux figures de proue et de continuer à célébrer les cinéastes africains, notamment les femmes, dont la contribution reste souvent sous-estimée. Il cite également des œuvres récentes, comme “Atlantique” de Mati Diop, qui illustrent la vitalité et l’innovation du cinéma africain.

Pour Keith Shiri, le cinéma africain se trouve à un tournant crucial. A une époque où les nouvelles technologies transforment les pratiques et où les réalités économiques pèsent sur les festivals, il est impératif , a-t-il souligné, d’assurer sa meilleure visibilité. Les JCC, comme d’autres festivals panafricains, doivent continuer à refléter les récits, les luttes et les aspirations du continent tout en s’adaptant aux défis de demain.

Actuellement Keith Shiri et son équipe préparent la nouvelle édition de “Film Africa” en 2025, axée sur la promotion des cinéastes africains auprès de la diaspora au Royaume-Uni. Dans le même esprit, il espère que les JCC continueront à jouer leur rôle de plateforme de dialogue et d’interaction entre réalisateurs, artistes et cinéphiles. Selon lui, la force des JCC réside dans leur capacité à réunir, en un même lieu, des acteurs culturels des pays du Sud, offrant un espace unique d’échange et de partage.