Les responsables tunisiens, qu’ils soient chefs de gouvernement, ministres, secrétaires d’Etat, directeurs généraux ou PDG avancent le plus souvent deux prétextes : soit ils n’ont pas eu assez de temps pour entreprendre les réformes, soit ils n’ont pas disposé des moyens budgétaires conséquents pour le faire.

Pourtant, à regarder de près le contexte  socio-économique dans lequel ils ont exercé, ces dernières années, des responsabilités, des réformes majeures auraient pu être entreprises sans nécessiter ni des mandats de longue durée ni des moyens budgétaires spécifiques.

Tout ce qu’on leur demandait c’était d’exploiter les moyens de bord, particulièrement, le personnel pléthorique qu’ils gèrent pour concocter des mécanismes, voire des « solutions maison » à même d’accélérer certaines réformes, et ce, dans la continuité de l’administration.

A titre indicatif, le fait de dépoussiérer des réformes entamées antérieurement et de responsabiliser, à cette fin, les gouvernants régionaux, n’exigeait que de la bonne gouvernance et la bonne volonté pour les réaliser.

L’absurdité d’une situation

Au nombre de ces réformes, figure en bonne place ce qu’on avait appelé à un certain moment « la démocratisation de l’accès à la propriété foncière ».

Il s’agit d’un programme social visant à céder à un prix symbolique à quelque 300 000 familles des terrains domaniaux sur lesquels elles ont construit leurs logements, depuis des décennies.

Il s’agit d’habitations édifiées dans des agglomérations, quartiers populaires et autres villages qui ont été aménagés et édifiés au temps de Bourguiba et de Ben Ali dans le but de lutter contre la disparité de l’habitat dans le pays et de grouper, pour des raisons de coût, les prestations publiques (éducation, services administratifs, soins…).

      • Des centaines de milliers de Tunisiens sont pris dans un limbo juridique, ni propriétaires, ni non-propriétaires, un véritable ‘capital mort

A l’époque des anciens régimes autoritaires les habitants de ces cités étaient exploités comme des filons électoraux.

Cette réforme, enclenchée au temps du gouvernement de Youssef Chahed (2016-2020, 3 ans et 6 mois) et relancée avec le gouvernement Elyès Fakhfakh (2020, 6 mois et 6 jours), aurait pu être poursuivie avec les chefs de gouvernements Hichem Mechichi  (2020-2021), Nejla Bouden (2021-2023) et Ahmed Hachani (2023-2024). Espérons que cette réforme trouvera l’intérêt requis avec le nouveau chef du gouvernement, Kamel Maddouri.

Cette réforme ne manque pas d’enjeux lorsqu’on sait qu’une fois entreprise et finalisée, elle mettra fin à cette situation absurde où des centaines de milliers de Tunisiens ne sont ni propriétaires ni non propriétaires, une situation qui ne leur permet ni de vendre et disposer du titre bleu, ni de transmettre, ni de s’en servir (hypothèque) pour augmenter leur richesse et produire du capital. C’est ce que les économistes appellent “le capital mort“.

Les enjeux sont énormes

Mieux, cette réforme à des répercussions socio-économiques majeures.

Sur le plan social, elle va contribuer à sédentariser les tunisiens concernés et à renforcer leur appartenance au pays. La règle étant d’en faire des propriétaires à part entière et non des non propriétaires malléables à merci, particulièrement lors des élections générales et locales.

      • Cette réforme ne demande ni budget colossal, ni mandat à rallonge, mais simplement de la volonté politique et de la bonne gouvernance.

Au plan économique, avec cette  réforme de démocratisation de l’accès à la propriété, ce capital mort va gagner en dynamisme et en innovation et va surtout contribuer à la création de nouveaux emplois et sources de revenus par l’effet des ventes et des rachats de logements.

Cette réforme vient, pour ainsi dire,  paver le terrain à la démocratisation de la propriété qui a fait la grandeur de pays développés comme le Royaume-Uni du temps de l’ancien Premier ministre Margaret Thatcher, et de pays émergents comme l’Inde et la Chine.

Abou SARRA