HydrogèneEn cette période de reconfiguration géostratégique du monde, l’Union européenne, pour maintenir dans son sillage le sud de la méditerranée et l’Afrique subsaharienne a programmé, pour 2030, la mise en place de cinq corridors, soit des pipelines de plus de 3000 kms pour importer de l’électricité produite à partir des énergies propres en Afrique du Nord et au-delà.

Parmi ces interconnexions euro sud méditerranéennes figure le corridor sud H2. D’après les experts, ce projet de pipeline de 3.300 km qui sera fin prêt en 2030, va jouer un rôle central dans le réseau européen de transport d’hydrogène et permettra à l’Europe d’importer jusqu’à 4 millions de tonnes par an (Mtpa) d’hydrogène, contribuant ainsi à atteindre 40 % des objectifs annuels d’importation d’hydrogène en Union Européenne dans le cadre de la stratégie REPowerEU.

SouthH2, un des cinq pipelines programmés

Le corridor SouthH2 a déjà été choisi comme projet d’intérêt commun (PIC). Il est particulièrement important pour le sud de l’Allemagne, l’Autriche et l’Italie. Ce corridor devrait permettre d’importer de l’hydrogène d’Afrique du Nord en passant par le sud de l’Italie, avant d’être connecté à d’importants pôles de demande en Italie, en Autriche et en Allemagne.

Le projet d’interconnexion sous marine tuniso-italienne Elmed est une composante de ce mégaprojet.

Depuis quelques mois déjà, les pays nord-africains s’activent à développer des stratégies et des offres pour attirer les investisseurs et développer leur potentiel d’hydrogène dans l’optique de l’exporter.

Le dernier pays à aller dans ce sens est la Tunisie qui a lancé récemment sa stratégie sur l’hydrogène vert dans laquelle elle prévoit une production annuelle de 8,3 millions de tonnes d’hydrogène vert et de ses dérivés à l’horizon 2050, dont 2,3 millions de tonnes destinées au marché local. Cette feuille de route prévoit d’exporter environ 6 millions de tonnes par an d’ici 2050 vers l’union européenne par pipeline.

Vif intérêt des investisseurs étrangers pour la production d’hydrogène vert en Tunisie

Dans cette perspective, plusieurs protocoles d’accords pour la production d’hydrogène vert en Tunisie ont été signés, au mois de juillet dernier, avec des investisseurs étrangers.

Hydrogène vertCes accords ont été signés entre la Tunisie et plusieurs sociétés étrangères à savoir :

  • la holding du groupe britannique et maltais « TUNUR »
  • la société norvégienne « AKER Horizons »
  • le groupe autrichien « Verbund »
  • La société britannique « Savannah Energy »
  • La société « Hydrogène de France »
  • La société française « Amarenco » et la société jordanienne « H2 Global »
  • La société belge « DEME Energy »
  • La société allemande « Abo Energy ».

Les plus médiatisés en raison de l’importance de l’investissement sont au nombre de trois.

Le premier a été signé, le 27 mai 2024, à Tunis,  avec le consortium TE H2, une joint venture qui groupe Total Energies (France), Eren (Luxembourg et Verbund (Autriche).

      • L’hydrogène vert en Tunisie : une clé pour la transition énergétique de l’Europe et un levier de développement pour l’Afrique.

L’accord projette de produire dans sa première phase 200 mille tonnes par an d’hydrogène vert et d’installer environ 5000 mégawatts d’énergie renouvelable et 2000 mégawatts de technologie d’électrolyse. L’investissement nécessaire pour la première phase est estimé à environ 6 milliards d’euros tandis que la phase finale prévue, pour 2050 représentera un investissement total de 40 milliards d’euros (132 milliards de dinars).

Un deuxième protocole d’accord pour la production d’hydrogène vert a été signé, le 31 mai 2024, avec le groupe saoudien “ACWA Power”, développeur, investisseur, propriétaire et exploitant d’un ensemble d’usines de production d’électricité et d’eau dessalée, présent dans 12 pays au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie centrale et du Sud-Est. La phase initiale du projet permettra la production d’environ 200.000 tonnes d’hydrogène vert par an, sachant que le coût total d’investissement pour cette phase est d’environ 6,2 milliards de dollars.

      • La Tunisie se positionne comme un acteur majeur de la révolution de l’hydrogène vert, ouvrant des perspectives économiques considérables

Le troisième, voire le plus récent a été signé, début janvier 2025, avec un consortium conduit par le groupe H2 Global Energy, entité pionnière dans le domaine de l’énergie verte basée à Dubai (Emirats arabes unis).

Il se propose de développer un projet innovant d’hydrogène vert et d’ammoniac vert. Ce projet repose sur l’exploitation des riches ressources renouvelables du pays, notamment le solaire et l’éolien, pour produire ces énergies propres.

Avec un investissement de 6 milliards de dollars, ce projet vise à développer une infrastructure de production d’hydrogène vert et d’ammoniac vert, faisant de la Tunisie un pionnier de la transition énergétique en Afrique et au-delà.

Droit des tunisiens de profiter des externalités positives du projet

Au-delà des enjeux écologiques, le projet de production d’hydrogène vert en Tunisie promet d’être un moteur de développement économique pour le pays. Il devrait générer un nombre significatif d’emplois (des centaines de milliers), aussi bien directs qu’indirects, tout en stimulant la croissance économique locale.

      • Au-delà des enjeux écologiques, l’hydrogène vert en Tunisie est une promesse de création d’emplois et de croissance économique

Le seul problème que pose ce mégaprojet réside dans la capacité des gouvernants tunisiens à bien négocier sa mise en œuvre et à faire en sorte qu’il profite au développement du pays et rejaillisse sur le bien être de la population tunisienne et qu’il n’ait pas un impact négatif sur l’environnement.

La solution idéale pour rassurer les acteurs de la société sociale qui craignent, légitimement, les externalités négatives de ce projet serait de communiquer sur cette nouvelle donne énergétique.

Abou SARRA

En bref—————————————

La Tunisie et l’Hydrogène Vert

  • Un projet stratégique pour l’Europe
    • 5 corridors énergétiques prévus d’ici 2030.
    • Le pipeline SouthH2 (3 300 km) transportera jusqu’à 4 millions de tonnes/an d’hydrogène vert vers l’UE.
  • La Tunisie, acteur clé
    • Objectif : 8,3 millions de tonnes/an d’ici 2050, dont 6 millions à l’exportation.
    • Projets signés avec des acteurs majeurs comme TotalEnergies, ACWA Power, H2 Global Energy.
    • Investissement total estimé à 40 milliards d’euros.
  • Bénéfices attendus
    • Création de centaines de milliers d’emplois.
    • Développement d’infrastructures énergétiques.&
    • Enjeux écologiques et économiques à concilier.