Pour l’État, intervenir dans le social signifie-t-il brimer l’initiative privée, stigmatiser les créateurs de richesses et sanctionner les investisseurs ou plutôt procéder à un arbitrage savant et réfléchi entre les ordres politique, économique et social pour in fine assurer la prospérité et le bien-être de tous ?
Dans l’analyse ci-jointe articulée en deux parties, Adnen Ben Salah Associé gérant à Omega Finance Corporate, répond à cette question et à beaucoup d’autres en rapport avec la responsabilité de l’Etat dans le social et celle aussi importante dans la croissance.
Dilemme des dirigeants politiques : comment assurer le rôle social de l’État tout en assurant la croissance et la création de richesse ? Cela semble antagoniste de prime abord, comme si les deux concepts s’opposaient !
En réalité, il s’agit tout simplement de l’héritage historique et culturel de deux philosophies politiques, la gauche et la droite, lesquelles, de prime abord, semblent être confrontées l’une à l’autre, opposant la prévalence de la distribution pure et simple des richesses accumulées par l’appareil d’État à celle de la création de valeur de la richesse individuelle.
En tout état de cause, le pouvoir politique distribuera ce qui n’est pas sien de droit, à savoir la richesse collective, que ce soit en avantages, privilèges ou autres dotations au capital, ou en subventions, primes, gratuités et autres distributions de biens publics aux populations choisies.
Seules les nations ayant des ressources naturelles importantes ont pu, tout en assurant un rythme de distribution important, maintenir le populisme sur une durée relativement importante et juguler toutes réflexions mettant en péril le pouvoir.
Une autre voie existe-t-elle ? Une voie qui permet d’œuvrer pour une société qui respecte et valorise le droit naturel humain au bien-être et à la valorisation de l’initiative et de l’entreprenariat, tout en assurant l’équité et la solidarité avec les plus démunis et les moins nantis et permettant des conditions de vie décentes et heureuses pour tous les membres de la communauté ?
Pour ce qui me concerne, je me refuse à la fatalité du choix ! Je considère qu’une voie différente est possible et que, pour cela, il nous faut ôter de notre vue le prisme dogmatique qui guide notre pensée et nos croyances.
Comment définir le rôle social de l’État ?
Il semble que tous, ou du moins une large majorité, s’accordent à définir le rôle social de l’État, par sa capacité à offrir la gratuité ou tout au moins la quasi-gratuité de plusieurs prestations, services, produits et autres biens, considérés comme services publics ou représentations de la solidarité.
Afin d’obtenir le label de « service public », ces prestations sont offertes par le biais des services administratifs de l’État. Parmi le référentiel des services publics représentant l’action sociale de l’État, sont communément admis, entre autres : le transport, la santé, l’éducation, les produits alimentaires de base, les infrastructures, le logement, la sécurité et les équipements publics.
En réalité, ces services ne sont pas gratuits, ils coûtent même très cher à la communauté et aux usagers, car le bénéficiaire (contribuable) les paie par des prélèvements de plus en plus importants sur ses revenus, sa consommation, son épargne, voire sa retraite, sans compter que l’accessibilité même aux services et biens est souvent payante.
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- Le rôle de l’État n’est pas d’exécuter les services, mais de s’assurer de leur qualité et de leur accessibilité au moindre coût pour la communauté
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L’approche strictement politicienne et fiscale ainsi que le rôle unique et suprême de l’administration publique, organe actif et symbole de la suprématie de l’État, dans l’appropriation, la définition, l’organisation et la mise en œuvre de la solidarité communautaire, est en réalité la source de la distorsion menant à l’inefficience économique, à l’iniquité, à la surcharge financière, à la détérioration de la qualité des services et à l’accroissement du creusé entre strates sociales.
Les plus grands défenseurs de l’approche strictement administrative de l’action sociale, sont généralement les fonctionnaires, les syndicats (majoritairement fonctionnaires), ce qui prouve sans équivoque possible que ce n’est pas tant la vocation de l’action sociale qui est la motivation réelle de l’accaparement de l’action sociale, mais plutôt la préservation de leurs emplois, de leurs avantages régaliens et surtout la conservation du pouvoir,
Notre pays n’est pas un cas isolé, mais a hérité d’un modèle usité et standardisé dans divers pays du monde et en a concentré les méfaits. Faut-il pour autant rejeter toute l’organisation et le modèle structurant de l’État ? Rien n’est moins sûr ! Il me semble qu’il nous faut plutôt redéfinir ce que doit être la solidarité communautaire ou nationale, le service public et l’action de service public, mais plus que tout ce que doit être l’expression de l’équité par opposition à l’égalité.
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- La création de valeur est une démarche individuelle d’entrepreneuriat, que l’État doit faciliter et non entraver
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En définitive, le rôle de l’État est de s’assurer que les services publics rendus soient les meilleurs pour les citoyens et au moindre coût pour la communauté. Pour cela, tous les services marchands autres que régaliens devront être sollicités auprès d’entreprises qui les fournissent ou qui les produisent dans le respect des normes définies et retenues par l’État et offerts aux citoyens.
La solidarité s’exprime alors par la redistribution des revenus selon les besoins par catégorie de population, permettant ainsi à tous de bénéficier du meilleur service public qui puisse exister. Renoncer à produire les services publics par ses propres structures, ne suppose en aucun cas de se décharger de leur responsabilité ou de la céder.
Il s’agit bien au contraire d’en assurer la totale et entière responsabilité, par la définition du standard de qualité, de sa disponibilité permanente et surtout du moindre coût pour la communauté ; tout cela en toute transparence pour les contribuables. C’est cela le véritable rôle de l’État : veiller à ce que le service soit rendu et non pas s’employer à en accaparer l’exécution.
Comment définir la création de valeur et de richesse ?
Contrairement à ce que théorisent certains philosophes politiques, la création de valeur ne peut être une œuvre collective, mais bien une démarche individuelle d’entreprenariat et d’initiative. C’est la somme des démarches individuelles qui crée la valeur et la richesse collective.
L’initiative d’entrepreneuriale individuelle, peut engendrer un projet collectif ou une démarche de groupe, mais demeure en tout état de cause une démarche individualisée et ne peut être un choix imposé.
Dans une démarche de création de valeur globale pour la communauté, l’État doit être un facilitateur d’opportunités d’initiatives et un régulateur garantissant en permanence l’égalité des chances dans la prise de risques, en aucun cas, il ne doit être un handicap ou un fardeau dans le processus de création de richesse. Il doit en revanche soutenir financièrement et économiquement toutes les initiatives génératrices de valeur ajoutée et de compétitivité.
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- Il ne s’agit pas d’opposer le social et l’économique, mais de les conjuguer pour une prospérité partagée
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Dans une logique de service public créateur de valeurs et de richesse nationale, le recours prioritaire aux initiatives domestiques et aux entrepreneurs nationaux dans la réalisation de tous les besoins de la communauté doit être le leitmotiv de toute politique publique, y compris l’accompagnement et le financement des initiatives techniques et technologiques.
En réalité, toutes dépenses ou supports offerts aux initiatives et aux projets nationaux, ne sont qu’une avance restituable, du moment que la réalisation et le développement des initiatives génèrent des ressources nouvelles pour la communauté sans aggravation de la charge de l’administration sur la communauté.
Développement et solidarité : la combinaison vertueuse
En période de récession, de difficultés financières, de perturbations et de tensions mondiales, il semble, à première vue, difficile de concilier l’action sociale de l’État et l’action de croissance, particulièrement du fait des difficultés d’accès aux financements publics. En réalité, les deux actions peuvent être fortement corrélées et pourraient même être un moyen de relance et de réalisation des aspirations citoyennes en services publics.
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- L’État doit être un facilitateur d’opportunités et un régulateur garantissant l’égalité des chances, et non un fardeau pour la création de richesse
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Il suffit pour ce faire, de redéfinir le rôle et l’action de l’État en tant que dépositaire de la gestion pour compte des deniers de la collectivité et non en tant qu’exécutant des services publics.
Le rôle de l’État ainsi défini, l’équation de politique publique se présente comme suit :
1- Les contraintes :
Les hypothèses représentant les conditions sine-qua-non qui s’imposent à toute modélisation de philosophie politique et qui permettent d’atteindre les objectifs sont :
- les tensions sociales et publiques très fortes du fait de la perte de pouvoir d’achat importante, du recul des opportunités et d’un environnement peu encourageant à la prise de risque et à l’initiative ;
- la situation économique difficile à tel point que les recettes collectées par l’État peinent à couvrir les charges de vie de l’administration et des politiques ;
- le poids de l’État arrivé à un niveau handicapant pour la compétitivité économique, freinant l’initiative et la prise de risque productive ;
- l’endettement de l’État s’étant élevé à un niveau alarmant avec une charge de remboursement sur les membres de la collectivité qui ne permet plus de générer d’épargne collective ;
- les services publics très approximatifs devenus payants sans être plus satisfaisants pour les membres de la communauté ;
- la moyenne des revenus des salariés de l’administration publique faible et non attractive ou motivante ;
- l’infrastructure publique sinistrée devenue un handicap majeur au développement et à l’intégration territoriale ;
- l’économie parallèle et le commerce illégal occupant une part plus que significative de l’économie et devenant plus attractifs pour le travail et pour la consommation ;
- le recul de l’action sociale, des subventions et des soutiens aux plus démunis ;
- le tension internationale et le risque important avec des conséquences prévisibles importantes sur les ressources, les intrants et l’énergie, soit une position inquiétante pour le pays.
Face à pareille situation, il y a des impératifs.
2- Les impératifs
La première démarche à entreprendre est d’œuvrer rapidement à l’amélioration du taux de satisfaction des membres de la communauté (citoyens) en agissant sur leurs conditions de vie tant en termes de services publics et d’infrastructures que de relations transparentes et apaisées avec l’administration publique mais aussi en :
- optimisant les performances de l’État en sauvegardant et en motivant l’administration publique ;
- en procédant à la relance et la restructuration économiques et en soutenant l’initiative et la prise de risque ;
- en mettant en place un système de financement permettant d’assurer des ressources financières tant nationales qu’internationales ;
- en soutenant et en accélérant l’intégration territoriale nationale en termes de mobilité et d’aménagement territorial ;
- en œuvrant à la création d’opérateurs économiques compétitifs, à taille critique, pour permettre de défendre l’économie nationale contre la concurrence internationale ;
- favoriser le développement et la maitrise technologique nationale afin de gagner en indépendance et en sureté nationale.
Par Adnen Ben Salah
En bref——————
Le rôle de l’État entre social et création de richesse : enjeux et perspectives
- Dilemme majeur : Assurer le rôle social de l’État sans freiner la croissance économique.
- État et services publics : Son rôle est de garantir qualité et accessibilité au moindre coût, non d’en assurer directement l’exécution.
- Problèmes actuels : Poids financier de l’État, inefficacité des services publics, endettement croissant et recul de l’action sociale.
- Solution proposée : Faciliter l’entrepreneuriat, encourager l’initiative privée et redéfinir la solidarité nationale.
- Citation clé : “L’État doit être un facilitateur d’opportunités et un régulateur, et non un fardeau.”