Quel pourrait être le modèle de développement approprié pour la reconstruction d’un pays tel que la Tunisie ? Si nous adoptons une approche de réflexion classique, le modèle semble non constructible et la fuite vers l’endettement semble être la seule et unique solution, même si le prix en devient de plus en plus élevé avec des compromis pouvant entacher la souveraineté du pays.

Même si la communication politique donne l’illusion d’une démarche salvatrice, en réalité, il ne s’agit que de retarder l’échéance inéluctable (il suffit de voir la situation de la France en ce moment) avec des conséquences potentiellement désastreuses.

Pour ma part, je considère qu’il est possible, bien au contraire, de tirer profit de cette équation complexe pour imaginer un modèle pouvant générer de la croissance équilibrée en transformant les hypothèses en opportunités et les impératifs en objectifs de projets.

Ainsi, considérant que le rôle fondamental de l’administration publique est de définir les services publics, de veiller à ce que ses services parviennent aux membres de la communauté (citoyens) dans les meilleures conditions, avec la meilleure qualité, aux meilleurs coûts et dans les meilleurs délais. Chaque service public peut alors être considéré comme une opportunité de projet générant du développement, de la croissance et des opportunités d’initiative et de prise de risque d’entrepreneuriat.

      • Transformer les hypothèses en opportunités et les impératifs en objectifs de projets : une clé pour le développement.

Pour illustrer notre propos, considérons le cas de voies départementales ou régionales où le modèle autoroutier payant ne peut être envisagé comme une solution de réalisation.  Il s’agit en réalité, d’imaginer un moyen permettant de générer des revenus attractifs pour un opérateur, afin que la prise de risque sur la réalisation et l’entretien d’infrastructures non marchandes puisse représenter un projet réalisable et rentable.

Il suffit pour cela d’intégrer la composante infrastructure et la composante aménagement urbain dans un même et unique projet avec un objectif global de service public d’amélioration d’un cadre de vie pour les citoyens régionaux et de désenclavement.

Un projet global intégrant une composante immobilière

La définition d’un projet global intégrant une composante immobilière lucrative à moyen et long terme permet d’attirer des investisseurs opérateurs d’aménagement territorial, ou des groupements qui seraient disposés à intégrer l’infrastructure de mobilité non lucrative et coûteuse dans le projet.

De cette manière, l’État :

  • réalise rapidement des infrastructures ;
  • il satisfait la demande citoyenne en désenclavant les régions ;
  • il répond aux attentes des populations régionales en réaménageant les villes, les modernisant et créant des espaces de vie attractifs ;
  • il crée de la croissance en développant des entreprises ou des groupements d’entreprises nationales pour atteindre la taille critique permettant l’export des expériences ;
  • il crée de l’emploi local et offre l’opportunité de créer des entreprises par les jeunes dans les régions et surtout génère rapidement des recettes fiscales et locales importantes.

Par exemple, pour un projet initialement dimensionné à 1 milliard de dinars, le démultiplicateur lui permet de dépasser 1,5 milliard de dinars, soit plus de 50% investis directement dans les régions concernées (exigence d’entreprises nouvelles domiciliées localement).

      • Le véritable investissement public réside dans la création d’un écosystème économique dynamique et durable.

La durée du projet aussi sera étendue au-delà du délai de réalisation de l’infrastructure routière initialement programmée et de l’activité économique régionale développée par la locomotive de l’immobilier et de l’aménagement territorial.

L’État, sans avoir dépensé aucun penny de l’argent public, a ainsi :

  • réalisé les aspirations citoyennes ;
  • désenclavé les régions ;
  • créé une offre importante d’emplois ;
  • créé des opportunités de création de projets et d’entrepreneuriat pour les jeunes ;
  • créé une qualité de vie meilleure pour les habitants ;
  • amélioré le pouvoir d’achat dans les régions ;
  • augmenté les recettes fiscales nationales et locales ;
  • réduit le besoin d’endettement public ;
  • permis la création d’un écosystème local et régional dynamique ;
  • créé des entreprises nationales capables de concurrencer les investisseurs internationaux sur les marchés étrangers et protéger ainsi l’indépendance nationale ;
  • redistribué les fruits du développement en priorité vers les régions et les populations les moins avantagées.

L’ingénierie économique et financière peut permettre, à partir des besoins nationaux, de créer une dynamique économique vertueuse et d’offrir différents modèles et structurations qui mobilisent les ressources nécessaires, atteignent différents objectifs concordants et répondent à la dynamique d’un nouveau modèle économique basé sur les hypothèses de développement intégré équitable.

      • L’État, garant du service public, doit être le catalyseur d’un développement inclusif et profitable à tous.

Pour tous les besoins de la communauté en services publics, en infrastructures communes et en besoins de solidarité, l’ingénierie économique et financière offre des opportunités à fort rendement, de meilleure qualité et à moindre cout pour la communauté. Tout cela défini, supervisé et assuré par l’État, organe d’expression de la volonté de la communauté.

Nous pouvons démultiplier à l’infini les exemples d’ingénierie économique et financière pour que le service public, devienne de manière intelligente, l’expression du développement, de la croissance et de la redistribution de la richesse globale.

Par Adnen Ben Salah

Lire aussi : Tunisie : La solidarité collective s’oppose-t-elle à la richesse et à la création de valeur ?

En bref—————–

Quel modèle de développement pour la Tunisie ?

  • Défi actuel : La Tunisie fait face à un modèle de développement inadapté, poussant à l’endettement et compromettant la souveraineté nationale.
  • Proposition clé : Transformer les hypothèses en opportunités et les impératifs en projets pour générer une croissance équilibrée.
  • Approche suggérée :
    • Associer infrastructures et aménagement urbain dans des projets globaux.
    • Intégrer une composante immobilière pour attirer les investisseurs.
  • Bénéfices attendus :
    • Désenclavement des régions.
    • Création d’emplois et d’opportunités entrepreneuriales.
    • Augmentation des recettes fiscales sans endettement public.
  • Impact économique : Un projet initial de 1 milliard TND pourrait générer plus de 1,5 milliard TND, avec un fort impact régional.
  • Conclusion : L’État doit jouer un rôle de catalyseur pour un développement inclusif et durable.