Une certitude, au regard des menaces que fait planer, le nouveau président de la plus grande puissance du monde, les Etats Unis, Donald Trump sur la stabilité de plusieurs pays et au regard de sa capacité d’exécuter ces menaces, le monde ne sera plus comme avant.
Est-il besoin de rappeler que dans le souci de sécuriser la frontière de son pays et de dissuader le trafic de drogues dures et l’immigration clandestine en provenance du canada, Donald Trump menace d’annexer la Canada et d’en faire le 51état américain.
Le nouveau chef de l’exécutif américain menace également d’annexer le Grownland et le Panama. Pour le premier pays Trump n’a pas exclu de s’en emparer par la force. Une question “de sécurité nationale”, selon lui.
L’immense île, territoire autonome rattaché à la souveraineté danoise, présente des avantages géostratégiques certains, tant en termes de ressources naturelles que comme porte d’entrée sur le cercle polaire arctique.
Le Panama risque de connaître le même sort au cas où ce dernier ne ferait rien pour réduire les droits de passage imposés aux navires américains lors de leur traversée du canal de Panama.
Plus grave, ses alliés européens ne seront pas épargnés. Donald Trump, au nom de son slogan électoral « America first » entend sommer les européens à mettre la main dans la poche et à augmenter leur participation au budget de l’OTAN. Ce sera la condition à remplir pour que les Etats unis continuent à les défendre.
Il faut dire que les menaces d’annexion territoriale ne sont pas propres aux Etats Unis. C’est dans l’air du temps, comme on dit. Les principaux ennemis et adversaires idéologiques des Etats Unis, en l’occurrence la Russie et la Chine en font autant. Le motif est le même. Ces puissances y recourent pour des raisons de sécurité et de souveraineté nationale. Désormais l’heure est au plus fort qui écrase les petits.
C’est le cas de la Russie de Poutine, qui attaque l’Ukraine pour la faire revenir de force dans sa sphère d’influence. C’est le cas de la Chine qui ne veut pas renoncer à la réunification avec Taïwan, considérée comme un processus inévitable.
Dans ce nouveau contexte de menaces, les nuances sont, néanmoins, importantes. Pour comprendre les tenants et aboutissants et aboutissants de ce projet de réingénierie du monde, deux chercheurs universitaires canadiens, un historien Samir Saul et un philosophe, Michel Seymour ont publié, ces derniers jours, dans le service de l’agence de presse italienne Pressenza internationale un très long article intitulé « réflexions sur le conflit mondial en cours ».
Dans cet article disponible dans le net, ils reviennent longuement sur les non-dits et secrets de cette réingénierie du monde. Pour en informer nos lecteurs nous avons jugé utile d’en faire une synthèse.
A l’origine de cette situation, un problème d’hégémonie
Selon les deux universitaires, à l’origine de la tension que connaît le monde un problème d’hégémonie. Les Etats unis font flèche de tous bois pour perpétuer un statu quo qui consacrerait leur primauté et leur rapporterait artificiellement le contrôle et les profits sur la production de richesses développées à l’étranger. Cet objectif d’unipolarité est un premier trait caractéristique de leur impérialisme.
Les deux chercheurs devaient évoquer ensuite la stratégie suivie par des américains pour préserver le statuquo.
« Comme ils ont et auront de plus en plus de mal à rivaliser avec les forces les plus dynamiques et productives dans le monde, notent –ils, leur politique est de les abattre par tous les moyens possibles. Cela va de la guerre ouverte à la promotion du chaos, en passant par la mainmise et la satellisation. C’est une politique offensive menée à des fins de défense de l’ordre établi ».
Ses porte-parole essaient de la faire passer pour une entreprise d’extension de “la démocratie”, dans son acception occidentale (processus électoral purement politique avec statu quo socio-économique). Il suffit d’observer le système oligarchique américain pour comprendre à quoi ressemble ce travestissement de la démocratie, lit-on dans l’article .
Le véritable enjeu
Mais tout cela n’est qu’une diversion et un écran de fumée pour justifier des entreprises d’expansion et de mainmise contre des pays ciblés, expliquent les deux chercheurs. L’enjeu dans le conflit mondial n’est pas “la démocratie“ mais la perpétuation ou pas de l’hégémonie contestée des États-Unis par la neutralisation des pays qui ne se soumettent pas au contrôle américain.
« Le conflit mondial est géopolitique et non un affrontement de “valeurs”, ainsi que veulent le faire croire les États-Unis et leur camp. Il constitue une tentative d’intégration forcée du reste du monde en position de subordination dans le capitalisme mondialisé américanocentré . Cette ambition hégémonique est un autre aspect de leur impérialisme fondée sur l’idéologie néolibérale», relèvent t-ils
Le processus avait connu une accélération suite au démantèlement de l’URSS avant de rencontrer une opposition croissante en raison de ses vices intrinsèques et ses dysfonctionnements: crises économiques, enrichissement de minorités fortunées et appauvrissement de masse, guerres sans fin pour poursuivre son élargissement.
Le modus opérandi : le périphérique en attendant le central
Dans ce contexte général se situe la bataille engagée par les États-Unis contre la Chine et la Russie, les deux plus puissants contestataires de l’ordre américain et les pôles de l’opposition mondiale à leur hégémonie. Les abattre est une immense aventure qui ne peut être tentée sans préparation méthodique.
Entre-temps se déroulent des opérations de mainmise sur des pays plus faibles et anti-hégémoniques ou susceptibles de se joindre à ce courant. C’est ainsi qu’il faut comprendre les actions offensives contre la Serbie, l’Irak, la Libye, le Venezuela, l’Iran, la Corée du Nord, la Géorgie, la Biélorussie, le Kazakhstan, la Syrie, et bien d’autres.
Tous ces pays ont des rapports et des affinités avec la Russie et la Chine, ou leur sont contigus. Il s’agit d’affaiblir la Russie et la Chine en retournant contre elles leur voisinage.
Le cas ukrainien est clair: instrumentaliser l’Ukraine limitrophe pour en faire une ennemie de la Russie, un bélier et une rampe de lancement militaire contre ce pays. À cela s’ajoute l’encerclement de la Russie par l’OTAN.
Un scénario similaire se dessine avec l’usage de Taïwan et des pays de l’Asie contre la Chine. Les cibles ultimes sont donc la Russie et la Chine, identifiées à juste titre comme les foyers principaux de la résistance au projet américain. C’est dans ce cadre qu’il faut placer la guerre menée contre la Syrie depuis 2011 et qui a abouti à sa chute en 2024.
Le rapport de force
Dans cet affrontement global, les États-Unis et ceux qu’ils visent ne sont pas dans la même posture et ne disposent pas des mêmes moyens. Bien qu’ils soient historiquement sur le déclin, les États-Unis sont en position offensive.
À l’inverse, bien qu’ils soient en phase avec l’évolution de l’histoire, les anti-unipolarité et anti-hégémonie sont en position défensive. À vue d’œil, les États-Unis et leur camp ont plus de moyens de tous genres que leurs cibles, mais cette situation est fluide et susceptible de rééquilibrage. D’ailleurs elle change graduellement, d’après les auteurs de l’article.
Sur le plan militaire brut, l’équilibre est acquis en matière d’armes de destruction massive, en ce sens que chacune est en mesure de détruire l’autre, font remarquer les chercheurs. L’existence de ces armes font en sorte qu’une guerre directe et frontale sera évitée le plus longtemps possible, malgré les spéculations de certaines têtes brûlées qui la croient gagnable.
L’essentiel de la guerre en cours se déroule à un niveau inférieur à celui de la guerre totale. Les guerres actuelles menées par les États-Unis ont pour but de d’affaiblir leurs adversaires sans attaque directe et massive. Ceux qui ont des armes nucléaires peuvent riposter.
Ceux qui n’en possèdent pas jouissent quand même d’une certaine protection provenant du fait que, même après des invasions et des occupations, ils sont quasiment impossibles à contrôler et coûtent des vies à l’armée de l’occupant, comme l’Irak et l’Afghanistan l’ont démontré. Les États-Unis semblent guéris de l’habitude de mettre des “boots on the ground”.
C’est pourquoi les guerres actuelles sont hybrides et sont menées à des fins de déstabilisation plutôt que de conquête. « Elles déploient une panoplie de moyens pour mettre à genou le pays ciblé. Le modus operandi comprend les désordres, des manifestations, la personnalisation des situations, la diabolisation des dirigeants, la fabrication de leaders opposants adulés en Occident, un déluge de propagande, des “révolutions de couleur”, l’instrumentalisation de pays voisins, la fomentation de troubles ethnico-régionaux, l’utilisation de supplétifs terroristes (Contras, djihadistes) pour désarticuler les sociétés et provoquer des guerres civiles, sans exclure les pressions militaires, les menaces et les “frappes” aériennes. C’est la nouvelle façon de faire la guerre », lit on dans l’article.
Autre mécanisme majeur utilisé par l’Occident belliqueux, à savoir celui de pouvoir utiliser des pays relais pour faire une partie du travail pour lui. Les élites de ces pays sont intégrées dans le système occidental et font des États qu’ils dirigent des prolongements de l’Occident.
C’est le fruit de la longue expérience coloniale de l’Occident, de sa domination du monde, de sa richesse, du fait qu’il est entré tôt dans le développement continu et qu’il a pu ainsi nouer des fidélités et des complicités de longue date. La Russie et la Chine n’ont pas de relais significatifs.
Ces relais sont “périphériques” par rapport aux cibles principales que sont la Russie et la Chine. Ces dernières sont les véritables forteresses à prendre, des piliers protégés et dangereux pour quiconque essaierait de les assaillir directement.
Toujours est-il qu’elles sont isolables et n’ont pas vraiment résolu le dilemme de l’action déstabilisatrice de l’Occident dans leur environnement proche et lointain. Le succès de cette action rapproche le monde de l’affrontement direct entre les États-Unis, la Russie et la Chine. Ces dernières pourraient se trouver à devoir se battre avec tout leur potentiel pour assurer leur survie, estiment en conclusion les chercheurs.
Abou SARRA
EN BREF
Les ambitions expansionnistes de Donald Trump en bref
- Menaces d’annexion : Trump envisage d’annexer le Canada, le Groenland et le Panama, invoquant des raisons de sécurité nationale et économiques.
- Alliés sous pression : L’Europe sommée d’augmenter sa participation au budget de l’OTAN sous peine de perdre le soutien des États-Unis.
- Un contexte mondial tendu : Russie et Chine utilisent des stratégies similaires pour défendre leurs intérêts.
- Citation clé : « L’heure est au plus fort qui écrase les petits. »
- Objectif : Maintenir l’hégémonie américaine face à la montée de nouvelles puissances.