Le rythme des mouvements environnementaux a légèrement régressé en 2024 pour s’établir à 427 mouvements contre 463 en 2023. Ces mouvements représentent 15% du total des mouvements sociaux (2834) recensés par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), dans le cadre de son rapport annuel sur les mouvements environnementaux pour l’année 2024, publié mardi.
Ces mouvements ont principalement concerné le droit à l’eau potable notamment durant la première moitié de l’année 2024, a souligné le FTDES, précisant que 121 mouvements revendiquant le droit d’accès à l’eau ont été enregistrés au cours de l’été 2024. Les mouvements revendiquant le droit à l’eau ont représenté 59% de l’ensemble des mouvements environnementaux en 2024 s’établissant à 252 mouvements contre 175 mouvements revendiquant le droit à un environnement sain.
D’après la même source, les protestations revendiquant le droit à l’eau ont principalement dénoncé les coupures récurrentes de l’eau potable et la vétusté du réseau de la SONEDE ayant été à l’origine de 191 manifestations (soit environ 76% du total des mouvements revendiquant le droit à l’eau). La majorité de ces mouvements ont été enregistrés à Kairouan (78 mouvements), Jendouba (28 mouvements), Gafsa (26 mouvements) et Nabeul (25 mouvements).
S’agissant des mouvements revendiquant le droit à un environnement sain, le FTDES a précisé qu’ils ont principalement concerné la pollution urbaine et maritime par les eaux usées avec 28 mouvements notamment à Beni Khiar, El Mida, Bouargoub et Menzel Temime dans le gouvernorat de Nabeul. A Kairouan, les habitants de Raqqada, Merguellil et Kairouan Sud ont par ailleurs protesté contre l’absence de raccordement au réseau d’assainissement.
La pollution par les déchets solides et l’ampleur prise par les décharges anarchiques ont aussi été derrière 35 mouvements notamment dans les gouvernorats de l’Ariana, Sfax et Gafsa. 17 mouvements ont par ailleurs fustigé la pollution industrielle notamment dans le gouvernorat de Gabès où la zone industrielle continue à être le théâtre de plusieurs violations environnementales.
Dans le domaine agricole, le FTDES a recensé 21 mouvements organisés par des agriculteurs dans les gouvernorats de Jendouba, Siliana et Nabeul revendiquant la satisfaction de leurs besoins en matière d’irrigation afin de sauver la saison agricole face à la rareté des précipitations entre les mois d’avril et aout 2024. Le mois de décembre 2024 a également enregistré des protestations d’agriculteurs à Kairouan et Sidi Bouzid contre la baisse des prix de l’huile d’olive.
Les atteintes à l’environnement marin, la pollution maritime et la pêche anarchique ont aussi motivé plus de 35 mouvements organisés par des pêcheurs et des activistes à Monastir, Bizerte, Kélibia et Gabès.
Recommandations du FTDES face à la recrudescence des atteintes à l’environnement
Face à l’ampleur prise par les atteintes à l’environnement, le département de la justice environnementale du FTDES a formulé, dans le cadre de son rapport, une série de recommandations visant à faire respecter les droits à l’eau et à un environnement sain.
S’agissant de l’eau, le FTDES a souligné l’importance d’adopter une approche reposant sur le respect des droits de l’homme pour traiter les problématiques liées à l’eau potable, de fournir cette ressource en quantité et en qualité requises à tous les citoyens sans exception et d’abandonner l’expérience des associations hydrauliques dans le milieu rural en faveur d’une structure publique qui aura à gérer cette mission.
Le FTDES a également plaidé pour l’accélération de la promulgation du Code des eaux et du renouvellement du réseau de la SONEDE pour éviter les pertes qui représentent 40% des eaux acheminées via ce réseau.
Le forum a, en outre mis l’accent sur l’impératif de renforcer les sanctions contre le gaspillage et la surexploitation des ressources en eau tout en menant des audits de la consommation d’eau auprès des grands consommateurs et de repenser la politique de mobilisation des ressources en ravivant les méthodes traditionnelles de collecte et de stockage.
Pour faire respecter le droit des citoyens à un environnement sain, le FTDES a appelé à exhorter le ministère de l’Environnement à assumer ses responsabilités pour stopper l’hémorragie de la pollution environnementale et déclarer l’état d’urgence environnementale en se basant sur une carte de la pollution.
Il a souligné la nécessité de raccorder toutes les régions au réseau d’assainissement de généraliser le traitement tertiaire de l’eau pour réduire les dégâts liés aux eaux usées sur l’environnement et les revaloriser dans l’industrie et l’agriculture.
Le FTDES a aussi évoqué la nécessité de revoir le cadre législatif relatif aux sanctions liées à la pollution et d’activer le principe de responsabilité du pollueur-payeur, de décentraliser la gestion des déchets et le tri à la source pour réduire l’expansion des points noirs et alléger la pression sur les décharges et de réviser la loi sur la RSE en renforçant son aspect obligatoire.