Réformer quand, comment, pourquoi, avec qui, par qui et avec quels moyens ? Une question qui semble évidente dès l’instant ou à l’échelle d’un État, on décide un beau jour et sans crier gare, de bouleverser un ordre économique établi sous la pression de compagnes menées sur les réseaux sociaux peu au fait des impératifs économiques et plus soucieux de servir des intérêts égoïstes aux dépens de ceux plus large du pays pour servir le peuple…
Les dernières réformes touchant aux chèques, aux taux d’intérêt des prêts bancaires et au travail temporaire teintés de justice sociale et de défense des droits humains pourraient bien dévier de leurs “nobles” objectifs.
Lorsqu’on parcourt un peu de littérature économique relative aux réformes économiques et leur pourquoi, les réponses qui sautent au premier coup sont :
- on réforme pour booster la croissance et dynamiser l’économie en améliorant l’efficacité et en augmentant la production. Ce qui se traduit par des changements dans les politiques fiscales, l’amélioration des infrastructures, et mesures concrètes visant l’encouragement de l’innovation et les investissements ;
- on aspire à une stabilité financière : soit des réformes visant à renforcer les systèmes bancaires et financiers ce qui se traduit par de nouvelles réglementations des institutions financières et la création de mécanismes pour prévenir les risques systémiques ;
- on veut créer de nouveaux emplois et résorber le chômage en préservant et modernisant le tissu industriel, en encourageant l’initiative privée et en soutenant les nouvelles entreprises pour réduire le chômage et créer de nouvelles opportunités d’emploi. Ce qui de l’avis des économistes confirmés est particulièrement important dans les économies en développement ou en transition ;
- on veut réduire les inégalités en mettant en place des stratégies profondément pensées et réfléchis pour non pas appauvrir les riches mais offrir des opportunités équitables à tous les citoyens et ce pas seulement à travers des programmes sociaux mais en veillent à l’amélioration des programmes d’éducation et des cursus universitaires, en investissant dans le tout social qu’il s’agisse de santé, d’enseignement ou de transport et en levant toutes les entraves réglementaires et administratives pour que chaque citoyen puisse avoir la chance d’avancer de prendre l’ascenseur social.
- améliorer la gouvernance pour optimiser l’efficacité des institutions publiques et profiter au maximum des ressources publiques et privées en encourageant les acteurs économiques publics et privés à être plus transparents, plus responsables et plus engagés.
Qu’elles visent l’amélioration de la qualité de vie et du bien être des citoyens ou qu’elles soient dictées par la nécessité de s’adapter aux évolutions mondiales, qu’il s’agisse de technologies ou de dynamiques commerciales, les réformes, en principe, œuvrent à ajuster les politiques économiques pour améliorer le rendement des opérateurs économiques nationaux publics et privés et soutenir la compétitivité de l’économie sur la scène internationale. Celles récentes touchant le code du commerce et en prime la loi 41-2024 pourront-elles réaliser tous les objectifs cités plus haut ? Il vaut mieux en rire qu’en pleurer.
Comment justifier des réformes où l’accessoire l’emporte sur l’essentiel ?
Les dernières réformes adoptées par une ARP qui ne semble pas sensible aux attentes d’une part importante du peuple tunisien risquent de mettre en péril des équilibres socioéconomiques fragiles et pourraient même menacer la survie de nombre de structures économiques aussi bien petites que moyennes.
Pourquoi ?
Parce que mal conçues, ce qui peut entraîner des résultats contraires aux intentions initiales. Nous commençons à voir les conséquences de la réforme sur les chèques laquelle outre les personnes physiques touche des petites et moyennes structures entrepreneuriales, commerce, sociétés de distribution, artisans, cliniques privées, bref une grande partie du tissu écon omique alors que le président de l’ARP censé défendre les intérêts du peuple tient, lui, à l’appliquer, “Que la loi entre vigueur, nous aviserons ensuite” ! Les conséquences sont déjà là, certaines petites et moyennes structures économiques ont vue leurs chiffres d’affaires baisser de presque 50% ! Qu’à cela ne tienne, notre cher président de l’ARP et son assemblée, trouveront par de nouvelles idées “lumineuses” (sic) des solutions à une récession économique annoncée.
D’ailleurs, les premiers résultats des dernières réformes sont de plus en plus visibles, une confiance érodée, celle des investisseurs en prime qui n’arrivent pas à se projeter face à l’instabilité des mesures fiscales et l’imprévisibilité de réformes illogiques qui ne sont dictées par aucune logique ou urgence économique. Soit des réformes populistes répondant aux vœux des activistes des réseaux sociaux, pour la plupart non édifiés sur la chose économique.
Les réformes naufrages ont été faites “sans science et sans méthode” explique l’éminent économiste Hechmi Alaya qui, dans le dernier numéro d’Ecoweek, adresse une critique cinglante aux décideurs publics à propos de la réforme des chèques : “Sans vision, sans science et sans méthode. Tel est le constat qui se dégage de l’analyse des faits économiques marquants de la semaine. De l’application des nouvelles dispositions de la réforme du chèque au bilan d’exécution des engagements budgétaires de l’État en passant par les conséquences désastreuses du compter sur soi sur l’endettement de l’État et sur l’industrie tunisienne, tout concourt à illustrer les tares d’une gestion des affaires économiques dépourvue de vision, de science et de méthode.
Un nouveau style de gestion des affaires économiques nationales que l’on désigne ici par « nouveau réformisme tunisien », qui crée plus de problèmes qu’il n’en résout tant il est pétri d’improvisations idéologiques, de souverainisme obsidional et de messianisme politique.
Un réformisme où l’accessoire l’emporte sur l’essentiel. Il a fallu toute une loi pour s’attaquer à un moyen de paiement qui, selon la BCT, ne représentait que 13,4% du nombre de paiements effectués en Tunisie en 2020 et moins de la moitié de leur valeur.
Un instrument de paiement qui de surcroît, est sur le déclin : il assurait le règlement de plus de la moitié (51,4%) des transactions en 2010 et près de 70,4% en 2003. C’est dire que les utilisations impropres du chèque (chèques en bois, chèques antidatés et chèques de garantie) sont forcément limitées et quasi anecdotiques au regard de la fluidité et des avantages qu’elles offrent dans un pays où seulement 36% de la population âgée de plus de 15 ans dispose d’un compte dans une institution financière (Cf. Findex) où l’accès au crédit bancaire est onéreux et relève du parcours du combattant et où les moyens de paiement alternatifs modernes sont toujours dans les limbes”.
What else ?
Amel Belhadj Ali
Réformes économiques en Tunisie : entre nécessité et improvisation?
🔹 Objectifs des réformes
- Stimuler la croissance et l’innovation.
- Renforcer la stabilité financière.
- Créer des emplois et réduire le chômage.
- Lutter contre les inégalités et améliorer la gouvernance.
🔹 Réformes récentes et leurs effets
- Réforme des chèques : impact négatif sur les PME .
- Instabilité fiscale et perte de confiance des investisseurs.
- Critique des économistes : absence de vision et de méthode.
🔹 Un “nouveau réformisme” contesté
Selon Hechmi Alaya, les réformes actuelles sont marquées par l’improvisation et le populisme, mettant en péril l’économie nationale.