Le Collège Sadiki : Berceau des élites tunisiennes et acteur majeur de la modernité

A l’occasion du 150ème anniversaire du Collège Sadiki (1875-2025), une conférence-débat intitulée “Le Collège Sadiki et les figures de la modernité tunisienne durant le XXème siècle” se tiendra le jeudi 20 février 2025 à Dar Ben-Gacem Kahia. Organisée par l’association académique et scientifique “Nadwa Seminar-Tunisia, Mediterranean and Beyond”, en partenariat notamment avec le laboratoire de recherche Régions et Ressources patrimoniales de l’Université de la Manouba, cette rencontre sera animée par le professeur Abdelhamid Larguèche, ancien élève de la Sadikia et professeur émérite d’histoire à l’Université de La Manouba.

De son côté, l’Association des Anciens Elèves du Collège Sadiki organise une conférence le samedi 22 février dans son local à la médina de Tunis sur le parcours et la personnalité du médecin et homme politique feu Slimane Ben Slimane (1905-1986) intitulée “Le Dr Slimane Ben Slimane: le Sadikien, le militant et l’homme”, qui sera donnée par l’universitaire Moncef Ben Slimane. Un programme culturel est prévu pour cette occasion et comprenant notamment une soirée artistique ramadanesque le 13 mars 2025 intitulée “Rencontre entre générations”, ainsi que la présentation le 24 avril prochain du livre de Foued Lakhoua sur les Premiers ministres issus de la Sadikia. Par ailleurs, des projets d’élaboration d’un livre sur les figures du Collège Sadiki et sur son histoire ainsi que l’émission d’un timbre postal commémoratif sont au programme.

Zoom historique sur un fleuron de plus d’un siècle

Fondé en 1875 par Kheireddine Pacha, le Collège Sadiki est une institution phare de l’éducation en Tunisie. Sa création marque un tournant décisif dans l’histoire éducative du pays, symbolisant l’entrée de la Tunisie dans une ère de modernité et de réforme.

Le premier établissement d’enseignement moderne en Tunisie, l’Ecole Polytechnique du Bardo, remonte à 1840. Deux ans plus tard, le 1er décembre 1842, à Bab Echifa, est affichée la première réforme des programmes de la Zitouna. En juin 1874, Mohamed Sadok Bey annonce la création d’un nouvel établissement, le Collège Sadiki, “destiné à former une nouvelle élite musulmane capable d’assumer les charges administratives du pays”.

Selon un document publié en 2024 par le Laboratoire de Recherches Echanges Maghreb-Afrique-Europe de la Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de La Manouba, l’instigateur principal de ces réformes éducatives fut en réalité le Premier ministre Kheireddine, nommé en 1873. Convaincu par ses voyages en Europe de la supériorité du modèle éducatif européen, il suivait de près les réformes de l’enseignement en Egypte et à Istanbul et considérait que le retard des musulmans face aux Européens résultait de leur méconnaissance des sciences. Pour lui, le développement économique de la Tunisie passait nécessairement par une amélioration du système éducatif et une meilleure diffusion du savoir.

Sous son impulsion, une commission fut créée pour réformer l’enseignement de la Grande Mosquée et établir un programme scolaire pour le futur Collège Sadiki. Le 27 février 1875, l’établissement ouvrit ses portes aux élèves venant de tout le pays. En 1878, sa direction et l’administration de ses biens furent confiées à Mohamed Larbi Zarrouk.

Cependant, lit-on encore, l’expérience éducative initiale du Collège Sadiki fut rapidement entravée avec le début de la colonisation française. Le 9 décembre 1882, un décret établit un conseil d’administration et nomma un directeur français à la tête de l’établissement.

A partir de 1920, le collège dépendit des subventions de l’Etat après la perte de plusieurs de ses domaines habous, situés dans les régions les plus fertiles du pays. Cette mise sous contrôle visait à affaiblir son autonomie et son authenticité. Toutefois, le pouvoir colonial n’est pas parvenu à établir sa mainmise totale sur le collège Sadiki: ses élèves et ses enseignants ont joué un rôle pionnier au sein du mouvement national, dont attestent les événements d’avril 1938.

L’établissement où ont été formées les premières élites tunisiennes notamment des avocats, médecins, pharmaciens et hauts fonctionnaires est devenu selon l’expression de l’historien et ancien élève de Sadikiya Mohamed Talbi, plus qu’une institution, un creuset où s’est forgée une élite tunisienne ouverte sur le monde.

Installé à l’origine dans l’ancienne caserne de Sidi Morjani, (l’actuelle rue de la mosquée Zitouna), le Collège Sadiki, a été transféré par la suite sur la place de la Kasbah à Tunis. Classé patrimoine historique en 1992, le bâtiment, œuvre de l’architecte français Pétrus Maillet, est conçu dans un style néo-mauresque. Son minaret, élément architectural emblématique, est perçu comme le symbole du Collège, qui a connu au fil des décennies le passage de plusieurs personnalités de diverses générations ayant marqué l’histoire contemporaine de la Tunisie.