La salle 4ème Art à Tunis a accueilli, dans la soirée du dimanche 23 mars 2025 “Sucre: An Ice Cream for a Nice Crime”, une performance théâtrale dansée en provenance de la Côte d’Ivoire, mise en scène par Abdoulaye Trésor Konaté. Présentée dans le cadre de la troisième édition de l’événement “Tunis, Théâtres du Monde” (20-27 mars 2055), la pièce interroge, à travers jeu corporel, musique et lumière, le poids de l’esclavage et du colonialisme, transformant le sucre en symbole d’une douceur illusoire masquant une réalité de souffrance et de domination.

Dès l’ouverture, un danseur épuisé évolue sur un sol couvert de sable et de sucre, exprimant par ses mouvements la violence et l’oppression, mais aussi la résistance. La chorégraphie alterne entre chutes et redressements, traduisant la lutte contre un cycle d’exploitation. Ici, le corps devient langage, portant la mémoire d’une histoire douloureuse.

Avec un jeu de mot évocateur et provocateur à la fois, le titre, selon le communiqué de presse du Théâtre national Tunisien (TNT), repose sur un contraste saisissant : si “Ice Cream” évoque plaisir et douceur, “Nice Crime” puise dans une ironie mordante, dénonçant comment l’exploitation coloniale a été justifiée et dissimulée. Le sucre, élément central de la mise en scène, envahit l’espace et s’accroche aux corps, illustrant le poids invisible d’un passé qui ne cesse de hanter le présent.

Quand la douceur du sucre porte un goût amer

Du point de vue visuel, l’éclairage joue un rôle clé, alternant entre tons chauds rappelant les plantations et lumières froides suggérant la brutalité industrielle. A travers cette scénographie immersive, le metteur en scène dépasse le simple constat historique et pousse à une réflexion sur les formes actuelles d’exploitation.

L’ensemble du spectacle repose sur le langage du corps, à travers des mouvements chorégraphiques d’une grande précision. Derrière leur fluidité et leur esthétique harmonieuse, ces gestes expriment une profonde douleur.

Certains mouvements gestuels se répètent en boucle, renforçant une impression d’enfermement, d’une souffrance qui se prolonge à travers les générations.

Parfois, le danseur se redresse, lutte, cherche à briser ce cycle infernal, mais l’épuisement le rattrape, et son corps s’écroule à nouveau sous le poids d’un héritage historique inéluctable. Pourtant, même dans la chute, il existe une trace de révolte : un refus de céder face à la fatalité.

A travers ce spectacle poignant, Abdoulaye Trésor Konaté interroge la condition humaine et les formes contemporaines d’exploitation.

Le spectacle, mentionne le communiqué, ne cherche pas à imposer une réponse, mais plutôt à susciter des réflexions sur la relation entre passé, présent et avenir, pour rappeler que les cicatrices de l’histoire ne disparaissent pas mais elles se transforment et prennent de nouveaux visages : Sommes-nous prêts à les voir, à les reconnaître et à les affronter?

Avec cette création où la douceur du sucre porte un goût amer, la scène devient un lieu de mémoire et de résistance, où le corps, malgré la douleur, résiste, danse et proclame son existence.