Trump
image ChatGPT

“Phénomène Trump : Enjeux Géopolitiques et Répercussions Économiques”, c’est le titre du thème sujet de débat lors d’une table ronde organisée tout récemment par l’Association tunisienne pour la promotion de la culture financière dont l’objectif est d’identifier l’impact de la politique “trumpienne” sur la Tunisie.

Adossée à une étude réalisée par l’IACE, on y énumère les six piliers fondamentaux de la doctrine Trump qui ont profondément bouleversé l’ordre mondial :

  • America First : un protectionnisme économique visant à remettre sur les rails l’industrie américaine et la privilégier ce qui se traduit par l’augmentation des droits de douane sur toutes les importations (+60% pour la Chine) et la renégociation des accords commerciaux pour obtenir des conditions plus favorables, Trump initie ainsi une guerre commerciale sans merci même si pour nombre d’observateurs, Trump est passé maître dans la méthode Harvard consistant à intimider, se montrer fort et déterminé et placer haut la barre pour obtenir le maximum de concessions de ses partenaires ou ses rivaux ;
  • l’Isolationnisme : Trump a entamé son mandat en se désengageant des institutions internationales (retrait de l’accord de Paris, du Conseil des droits de l’homme de l’ONU) et en adoptant une politique migratoire stricte (mur avec le Mexique, interdictions de visas pour certains pays musulmans) ;
  • réforme fiscale : maintien des réductions d’impôts de 2017 et nouvelles baisses pour les entreprises ainsi que la réduction des impôts sur les gains en capital ;
  • polarisation interne : le président US adopte des discours nationalistes exacerbant la division au sein de la société américaine sans prendre en considération les risques de montée de l’extrémisme politique, religieux ou ethnique ;
  • repli multilatéral : Trump s’est placé dans la logique de favoriser les relations bilatérales avec des alliés stratégiques en se désengageant des organisations multilatérales ;
  • une stratégie monétaire agressive qui a visé en premier lieu la Fed pour ses taux d’intérêt élevés et une politique favorisant un dollar plus faible pour stimuler l’économie. La guerre commerciale et l’augmentation des droits de douane initiée par Trump auraient pour conséquences l’augmentation du coût des importations, l’inflation et le ralentissement de la croissance.

Par ailleurs, la réduction des aides Américaines pour réallouer les ressources vers des priorités nationales desserviraient nombre de pays en développement même si les aides en question servaient les intérêts stratégiques US et le positionnement géoéconomique américain dans nombre de régions dans le monde et en prime la zone MENA.

“La Tunisie est aujourd’hui la spectatrice d’un bouleversement économique mondial.”

 

Le 20 mars, le Secrétaire d’État US aux Affaires étrangères Marco Rubio avait adressant ses félicitations au peuple et au gouvernement tunisiens à l’occasion de la fête de l’Indépendance précisé que les États Unis tenaient à consolider les relations commerciales avec notre pays. Que peut représenter une petite économie comme celle de la Tunisie pour la première puissance économique mondiale ?

Le contexte économique tunisien et ce, indépendamment des politiques “trumpiennes” n’est pas des plus reluisants. En 2024, les coûts de l’énergie ont augmenté de 18 % et les produits alimentaires de 12 %, affectant le pouvoir d’achat des Tunisiens. Le dinar tunisien s’est déprécié par rapport au dollar américain, rendant les importations plus coûteuses.

La Tunisie, qui dépend fortement des importations pour l’énergie et certains produits alimentaires, voit ainsi sa balance commerciale fragilisée. Quant à la dette publique, il faut savoir qu’au 30 juin 2024, la dette extérieure tunisienne s’élevait à 62,247 milliards de dinars, dont 60 % étaient libellés en dollars (37,348 milliards de dinars).

“Malgré la stratégie du ‘compter sur soi’ adoptée ces dernières années, elle ne pourra pas échapper aux conséquences d’une guerre commerciale exacerbée par la doctrine Trump.”

 

Une variation de seulement 10 millimes dans le cours du dollar (soit 0,32 %) entraînerait une augmentation de 120 millions de dinars de la dette extérieure. Si appréciation du dollar, il y a, combinée à l’augmentation des coûts d’importation, les marges budgétaires de l’État tunisien seraient réduites et pèseraient sur les finances publiques.

D’autres répercussions telles l’inflation et la hausse des coûts des importations pourraient avoir lieu. S’agissant des droits de douane, on estime que l’impact ne sera pas important sur les exportations tunisiennes dû au faible volume vers les États-Unis sauf si la guerre commerciale avec la Chine, persiste. Cette guerre pourrait entraîner un ralentissement de l’économie mondiale, ce qui impacterait indirectement la Tunisie en réduisant la demande internationale principalement le marché européen, son principal partenaire.

Une note positive toutefois, celle des cours du pétrole, l’abondance de l’offre mondiale de pétrole maintient les prix sous pression, avec une stabilisation autour de 70 $/baril. Le gouvernement tunisien avait basé son budget 2025 sur un prix du baril de 77,4 $. Cette baisse du prix du pétrole offre plusieurs avantages pour la Tunisie dont la réduction des dépenses publiques sur les subventions énergétiques et la baisse du déficit budgétaire.

“L’urgence est au rétablissement de la confiance et à l’amélioration du climat d’affaires, il est temps de mettre fin à la chasse aux sorcières au détriment de l’avenir économique du pays !”

 

Conclusion : la Tunisie est aujourd’hui la spectatrice d’un bouleversement économique mondial. Malgré la stratégie du “compter sur soi” adoptée ces dernières années, elle ne pourra pas échapper aux conséquences d’une guerre commerciale exacerbée par la doctrine Trump.

Les nouveaux équilibres économiques mondiaux fragilisant les principaux partenaires économiques du pays, le plaçant dans une situation encore plus incertaine, ce qui devrait pousser les décideurs politiques à mettre en place des politiques économiques plus réfléchies et plus soucieuses de la création de richesses et de l’encouragement du secteur privé que de la recherche de la moindre erreur pour au mieux mettre au pas les opérateurs dans l’économie formelle et au pire leur faire subir des mesures coercitives insupportables pour nombre d’entre eux.

“Les nouveaux équilibres économiques mondiaux fragilisant les principaux partenaires économiques du pays, le plaçant dans une situation encore plus incertaine…”

 

Ce ne sont pas les contrebandiers ou les acteurs de l’économie informelle qui financeront le budget de l’État ou permettront de trouver les ressources nécessaires pour que l’État joue le rôle social ambitionné. L’urgence est au rétablissement de la confiance et à l’amélioration du climat d’affaires, il est temps de mettre fin à la chasse aux sorcières au détriment de l’avenir économique du pays !

A bon entendeur !

Amel Belhadj Ali

EN BREF

Impact du “Phénomène Trump” sur la Tunisie

  • 6 piliers de la doctrine Trump ont bouleversé l’ordre mondial : “America First”, isolationnisme, réforme fiscale, polarisation interne, repli multilatéral, stratégie monétaire agressive.
  • La guerre commerciale de Trump pourrait entraîner hausse des importations et inflation.
  • La dette extérieure tunisienne s’élève à 62,247 milliards de dinars (60% en dollars). Une variation de 10 millimes du dollar coûte 120 millions de dinars.
  • Baisse du prix du pétrole (autour de 70 $/baril vs. budget 2025 à 77,4 $) : impact positif potentiel sur les finances tunisiennes.
  • Conclusion : La Tunisie, malgré sa stratégie de “compter sur soi”, sera affectée par les bouleversements économiques mondiaux initiés par la politique Trump.