S&P Global Ratings met en lumière les effets potentiellement déstabilisateurs des nouveaux droits de douane imposés par l’administration américaine, surnommés par le président Trump « Jour de la Libération ». Ces mesures tarifaires marquent un tournant protectionniste d’une ampleur inédite depuis les années 1930, avec un droit universel de 10 % sur toutes les importations à partir du 5 avril 2025, et des surtaxes pouvant atteindre 50 % sur les produits en provenance de 60 pays jugés “contrevenants”.
Le taux effectif implicite moyen sur les importations américaines devrait ainsi grimper entre 20 et 25 %, contre 2,3 % en 2024. Pour la Chine, les droits cumulés dépassent désormais les 60 %. Le Canada et le Mexique bénéficient d’un traitement plus nuancé selon leur conformité à l’accord AEUMC. Certaines exemptions ont été prévues, notamment pour des secteurs stratégiques (semi-conducteurs, cuivre, produits pharmaceutiques), mais d’autres produits, comme les pièces automobiles, seront affectés dès le mois de mai.
Sur le plan macroéconomique, l’impact inflationniste à court terme est significatif. S&P prévoit une hausse de l’IPC (indice des prix à la consommation) de 0,7 à 1 % au quatrième trimestre, portant l’inflation moyenne à 4 %. L’effet global sur la croissance du PIB dépendra largement de la réaction des partenaires commerciaux et de la façon dont les États-Unis utiliseront les recettes tirées de ces droits. Bien que le scénario de récession ne soit pas encore retenu par S&P, la probabilité d’un ralentissement majeur a été relevée à 30–35 %.
Les ménages à faibles revenus seront les plus touchés, les droits de douane agissant comme une taxe régressive. Le ralentissement de la demande intérieure, la baisse potentielle des marchés financiers et l’incertitude pesant sur les investissements pourraient accentuer le recul de la croissance. Si les recettes tarifaires sont utilisées pour réduire les impôts ou stimuler la consommation, une partie de l’impact pourrait être atténuée. S&P prévoit néanmoins une révision à la baisse de la croissance annuelle du PIB réel de 0,3 à 0,4 point.
La Réserve fédérale pourrait maintenir ses taux directeurs inchangés pendant une grande partie de l’année, malgré l’inflation, privilégiant la stabilité de l’emploi. Une baisse de taux de 25 points de base est toutefois envisagée en fin d’année.
À l’échelle mondiale, les économies ouvertes et dépendantes du commerce avec les États-Unis, comme l’Irlande, la Suisse ou les pays d’Asie-Pacifique, devraient être plus affectées. Les représailles commerciales ciblées sont attendues, notamment via des droits réciproques, des mesures non tarifaires ou des restrictions sur les services.
Enfin, les prévisions de croissance mondiale seront révisées à la baisse par S&P dans les prochains jours, selon l’évolution des réponses politiques et commerciales à ces nouvelles barrières tarifaires.