Dans un entretien accordé à l’agence TAP, l’économiste tunisien Ridha Chkandali analyse les répercussions de la baisse des prix du pétrole et de la guerre des droits de douane lancée par Donald Trump sur l’économie mondiale et sur la Tunisie. Il souligne que la guerre tarifaire, bien qu’absente des prévisions budgétaires pour 2025, pourrait affecter négativement la croissance mondiale, ce qui limite la marge de manœuvre budgétaire pour des pays comme la Tunisie.
Selon lui, la baisse actuelle des prix du pétrole, liée à la crainte d’un ralentissement économique mondial, offre néanmoins un certain répit aux pays importateurs d’énergie. Pour la Tunisie, où le budget 2025 est basé sur un prix du baril de 74 dollars, chaque dollar en moins pourrait générer un excédent de 140 millions de dinars. Si le prix reste autour de 65 dollars jusqu’à la fin de l’année, la Tunisie pourrait engranger un surplus budgétaire de près de 1,26 milliard de dinars. Cet allègement permettrait à l’État de mieux honorer sa dette extérieure, importer les biens essentiels et réduire le déficit commercial.
Cependant, Chkandali met en garde contre une euphorie prématurée. Le contexte international reste instable, notamment à cause des tensions géopolitiques (Gaza, Ukraine, Iran) et de l’incertitude sur les décisions commerciales américaines. Par ailleurs, la reprise des investissements dans les secteurs pétrolier et gazier pourrait être freinée si les prix restent bas, affectant les projets de prospection.
Il critique également le manque de réalisme de certaines hypothèses du budget 2025, notamment celle d’une croissance de 3,2 %, alors que la croissance en 2024 n’a été que de 1,4 %. En cas de ralentissement, les recettes fiscales prévues pourraient ne pas être atteintes, aggravant le déficit budgétaire et forçant l’État à s’endetter davantage.
Pour y remédier, il suggère :
- de relancer la stratégie d’amélioration du climat des affaires,
- d’élargir la base d’investissement,
- de mobiliser une partie du financement direct de la Banque centrale pour rénover les infrastructures minières et ferroviaires,
- de réformer le Code des changes pour canaliser les devises issues du marché parallèle vers les circuits officiels,
- et d’amender la loi fondamentale de la Banque centrale pour renforcer la coopération avec le gouvernement.
Enfin, il recommande la prudence quant à toute baisse des prix à la pompe, malgré la baisse des cours mondiaux, compte tenu de l’instabilité internationale. Une décision hâtive pourrait s’avérer contre-productive si la guerre commerciale s’intensifie après la période de 90 jours de suspension décidée par Trump.